Uranium olympique

(Fragments d'une épopée athlétique post-Fukushima)


Un web-roman de Stéphane Lhomme

Offert par l'Observatoire du nucléaire

 


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Juin 2012. Les Jeux olympiques de Londres commencent dans quelques semaines. En France, Nicolas Berluskozy, qui a promis de supprimer l'impôt sur le revenu deux jours avant l'élection présidentielle, vient d'être réélu pour 5 ans à la tête de l'Etat. Il divorce de Carli Bruna, dont le dernier disque est un échec, et épouse immédiatement la belle Raya Made qui devient ministre des Sports et du rayonnement de la France.

Pendant ce temps, un obscur coureur de 800 mètres se qualifie presque par hasard pour les Jeux olympiques et crée un incident lorsqu'il découvre qu'il va devoir porter sur son maillot le nom du sponsor principal de la Fédération française d'athlétisme, l'entreprise nucléaire Areva. Et ce à peine plus d'un an après la catastrophe nucléaire de Fukushima.

A la suite de divers quiproquos, des stars du sport français se mobilisent pour défendre le sportif inconnu… et passent alors, tout à fait involontairement, pour des militants antinucléaires radicaux. C'est par exemple le cas du sprinter Christophe Lemeilleur.

Mieux : dans un incroyable emballement médiatique, le footballeur Nick Olanelka et divers protagonistes de l'affaire du "bus de Knysna", qui a eu lieu pendant la coupe du monde 2010, se mêlent à la polémique pour "laver leur honneur" écorné deux ans plus tôt.

Un parfum de folie s'empare alors du sport français, dont les champions, comme la nageuse Laura Naudou, sont contraints de prendre position, et la délégation française dans son ensemble est menacée d'exclusion des Jeux olympiques…


 

Uranium olympique

(Fragments d'une épopée athlétique post-Fukushima)

 

Un 800 mètres de rêve

Samedi 23 juin 2012, trente-quatre jours avant l'ouverture des Jeux olympiques de Londres.

Inouï ! Incroyable ! Insensé ! Ou, plus exactement, totalement inespéré ! I-NES-PÉ-RÉ ! Quoi donc ? Eh bien, me voici qualifié pour les Jeux olympiques qui auront lieu à Londres dans quelques semaines, en juillet et août 2012. Je ne suis pourtant qu'un modeste coureur de 800 mètres, n'ayant jamais été sélectionné en Equipe de France. Je n'ai même jamais participé à un seul de ces grands meetings dans lesquels s'affrontent les stars de l'athlétisme.

Oui mais voilà : ce soir, lors d'une rencontre interrégionale, je viens de pulvériser mon record personnel et, surtout, de battre le "minimum olympique", une performance fixée par la Fédération française d'Athlétisme et qui permet de se qualifier pour les Jeux de Londres.

Dans ma spécialité, le 800 mètres, il fallait courir en moins de 1'44"80 : une minute, quarante quatre secondes et 80 centièmes. Le problème est que je n'étais jamais passé en dessous de 1'52. Il me fallait donc gagner plus de 7 secondes, autant dire une éternité.

L'impossible est pourtant arrivé ce soir : j'étais dans une forme resplendissante, avec la sensation non pas de courir mais de voler, un véritable état de grâce. Et puis, juste au moment où j'entrais dans la dernière ligne droite, cette violente rafale de vent surgie de nulle part et qui m'a littéralement porté jusqu'à l'arrivée… avant qu'Eole ne se rendorme pour de bon. Un véritable miracle.

Le speaker annonce les résultats, j'entends bel et bien la sono cracher cette information impensable "800 mètres hommes. Premier : Etienne Lespoir, 1'44''77, minimum olympique battu". A moi Londres !

Quoique... Les officiels se regroupent autour du système de chronométrage. Je m'approche et tends l'oreille :

"- Il y a forcément quelque chose qui cloche, ce ringard ne peut pas avoir couru en 1'44 !

- C'est sûr que c'est louche. D'un autre côté, il est quand même arrivé avec 10 secondes d'avance sur le deuxième…

- Oui mais, de là à battre le minimum olympique, c'est impossible. On va se faire taper sur les doigts par les dirigeants de la Fédération si on leur annonce qu'ils vont devoir amener un rigolo avec eux à Londres. Vous vous rendez compte, Lespoir avec Christophe Lemeilleur, Renaud Laviébel et toutes nos stars !"

Cependant, échouant à trouver un quelconque dysfonctionnement du système de chronométrage, les officiels doivent se résoudre à valider le résultat.

 

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Dans l'Equipe !

Dimanche 24 juin 2012, trente-trois jours avant les Jeux olympiques de Londres.

Le lendemain matin, j'achète l'Equipe. A peine sorti de la boutique, je feuillette fébrilement le quotidien sportif et je constate que, pour la première fois de ma vie, on y parle de moi. Oh, bien sûr, pas à la Une, mais tout de même quelques lignes en bas de page dans les informations diverses :

Athlétisme : un inconnu se qualifie pour Londres

Le coureur de 800 mètres Etienne Lespoir, 30 ans, a battu hier le minimum olympique lors d'un meeting interrégional, se qualifiant pour les JO à la surprise générale. Cette qualification semble poser quelques problèmes à la Direction technique nationale qui souhaitait n'emmener à Londres que des postulants au podium ou, au minimum, à une place en finale. Cette hypothèse semble totalement écartée pour Lespoir, inconnu jusqu'alors et n'ayant jamais gagné la moindre compétition nationale et encore moins internationale.

Même si la conclusion de ce mini article n'est pas à mon avantage, je ressens l'espace d'un instant comme un vertige : un article sur moi dans l'Equipe ! J'ai le sentiment de quitter la foule des sportifs anonymes pour rejoindre dans l'Histoire des champions merveilleux comme Michel Platini, Jimmy Connors, ou l'équipe de France de Hand-ball. Je m'imagine raflant les titres olympiques, mondiaux, européens, ne laissant à mes adversaires que de vulgaires médailles d'argent et de bronze…

Subitement, je m'aperçois que je suis là, planté devant la boutique du marchand de journaux et non sur un podium olympique. Des clients pressés me frôlent sans un regard. Moi qui fais du sport par passion et non pour la gloire et la célébrité, me voici rassuré : personne ne se retourne pour me dévisager, nul n'est au courant de mon exploit. C'est que, finalement, ma récente performance n'est exceptionnelle que pour moi, et tout à fait anodine pour le reste du monde. Je décide néanmoins de ne pas bouder mon plaisir : ce n'est pas tous les jours que je serai cité dans l'Equipe !

 

Epicerie fine

Lundi 25 juin 2012, trente-deux jours avant les Jeux olympiques de Londres

Le lendemain soir, je me soumets à un nouveau test de "notoriété" en faisant quelques courses chez mon épicier préféré : un peu réac, un peu raciste, anti-fonctionnaires… un vrai poème. Sa principale qualité est assurément… de tenir boutique dans ma rue. Toujours jovial, il m'interpelle, me laissant immédiatement supposer qu'il est au courant de mon exploit :

- Alors monsieur Lespoir, comment ça va la course à pied ?

- Eh bien, je suis plutôt en forme !

- Tant mieux, car les Jeux olympiques vont bientôt commencer !

- … vous êtes au courant ???

- Bien sûr ! Ce n'est quand même pas sorcier de savoir que les Jeux olympiques commencent dans un mois !

- Ah, je pensais que vous parliez de mes performances…

- Ha ha ha ! Excusez-moi monsieur Lespoir, je ne veux pas me moquer, c'est déjà très bien de participer aux championnats régionaux comme vous le faites.

- Vous savez, il suffirait que je fasse une course exceptionnelle pour me qualifier pour les Jeux…

- Je n'osais pas vous faire la blague : "Lespoir fait vivre" ! Mais il ne faut quand même pas croire au miracle. Au fait, vous avez vu, j'ai des yaourts bio maintenant, depuis le temps que vous m'en demandiez ! Ça va être bon pour votre forme. Mais ça m'étonnerait que ce soient des yaourts olympiques ! Ha ha ha…

- Très drôle. Je vous remercie quand même pour les yaourts bio, mieux vaut tard que jamais…

 

Mes premières journées de "star du sport" se sont donc déroulées dans le plus parfait anonymat, voire même dans la clandestinité. Mais j'ai des yaourts bio…

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Tergiversations

Plus tard dans la soirée, le téléphone sonne chez moi. Je décroche :

"- Etienne Lespoir ? Bonsoir, c'est Jean Pignon, le DTN.

- Pardon ?

- Eh bien, le Directeur technique national. De la Fédération française d'athlétisme !

- Ah oui, monsieur Pignon, excusez-moi, je vous connais de nom mais je n'ai pas l'habitude que les dirigeants de la Fédération me téléphonent… Que se passe-t-il donc ?

- Vous devez vous en douter mon cher Lespoir : votre performance d'hier. Bravo, vraiment très bien. On m'a raconté, une belle course. Et… le minimum olympique ! Ha ha, formidable. Mais, dites-moi, vous ne comptez pas vraiment aller à Londres, hein ?

- C'est que… J'en ai désormais acquis le droit non ? Ce sera pour moi une belle expérience, un souvenir inoubliable.

- Bien sûr, bien sûr. Nous ne voulons pas vous retirer de force ce que vous avez gagné sur la piste. Mais enfin, Lespoir, les Jeux olympiques… ce n'est pas votre place. Imaginez-vous sur le même stade que Usain Bolt, ou même avec nos stars nationales…

- Vous savez, je n'ai que fort peu de chances de croiser ces gens, ou alors ce sera furtif : je suis sûr d'être éliminé dès la première course !

- C'est bien ce que je vous disais ! A quoi bon perdre votre temps à Londres ? Et puis vous allez être absent à votre travail, pas sûr que votre patron apprécie le sport !

- En fait, je suis actuellement au chômage. J'ai hélas tout mon temps pour l'athlétisme…

- Hum. Bon bon. Ecoutez, on reste en contact. Je vous rappellerai dans quelques jours, réfléchissez à tout ça en attendant. Et… encore bravo !"

Ce coup de fil me confirme ce que pressentaient les responsables du chronométrage : les instances de la Fédération n'apprécient pas vraiment ma qualification. Voilà qu'on me tend la perche… et pas pour sauter jusqu'à Londres, bien au contraire. Ils vont assurément revenir à la charge mais je me motive pour ne pas me laisser déstabiliser.

 

Coup de bluff

Mercredi 27 juin 2012, trente jours avant les Jeux olympiques de Londres

Deux jours plus tard, effectivement, nouveau coup de fil :

"- Bonjour Lespoir, c'est Jean Pignon, le DTN.

- Ah oui… Eh bien, quoi de neuf par rapport à l'autre jour ?

- Hum, c'est un peu délicat. Lespoir, votre performance fait quelques vagues dans les couloirs. Je dois vous dire que… certains évoquent l'éventualité du dopage. C'est que, passer subitement de 1'52 à 1'44, ça fait jaser…

- Eh bien, rassurez-vous, je suis allé m'entraîner hier, et j'ai fait 1'54 ! Si j'étais dopé, je ferais 1'44 à chaque course…

- 1'54 ? C'est bien ce que je craignais : c'est votre niveau normal. Ecoutez mon petit Lespoir, je suis bien persuadé que vous n'êtes pas un tricheur. Mais nous vivons dans un monde sans pitié. Imaginez ce qui va se passer pour vous si vous êtes soupçonné de dopage..."

Je réfléchis rapidement. A mon avis, Pignon a pour mission de me faire un coup de bluff, de me faire peur pour que je renonce de moi-même à aller à Londres. Je contre-attaque :

"- Vous savez Pignon, les conséquences seraient quasi nulles pour moi : ma "carrière" sportive est bien modeste et, à 30 ans, elle touche à sa fin. Par contre, l'affaire pourrait rejaillir négativement sur tout l'athlétisme français : si un sportif se dope, pourquoi pas les autres ?

- Hum. Bon, n'en parlons plus, ce n'était qu'une hypothèse de ma part, et finalement je ne crois pas que quiconque évoquera le dopage vous concernant."

Je savoure ma victoire psychologique. Pignon bat en retraite, c'est gagné, à moi Londres ! J'en profite pour le rassurer.

"- Ecoutez Pignon, je ne veux embêter personne, mais c'est pour moi une chance inespérée. Je me ferai tout petit, je resterai dans mon coin, et aucun média ne risque s'intéresser à moi. Je fais ma course, je suis éliminé, et je rentre en France. Ça va vous coûter quoi ? Un survêtement, un aller-retour en Eurostar, et quelques nuits au Village olympique. Avec les sommes brassées désormais par l'athlétisme, ce n'est même pas une goutte d'eau.

- Effectivement, ce n'est pas une question financière, plutôt une affaire d'image. Vous comprenez, on a l'habitude de voir aux Jeux olympique des concurrents "exotiques" qui finissent leur course longtemps après tous les autres. Mais un Français, ce n'est pas envisageable…

- Vous savez, le 800 mètres, ça va vite : au pire, j'arrive avec 10 secondes de retard, même pas le temps de me faire remarquer : les caméras seront braquées sur les vainqueurs. Ça n'a rien à voir avec le coureur de 10 000 mètres qui termine 3 minutes après les autres, seul sous les acclamations du public hilare…

- Bon. Je retiens votre engagement de discrétion absolue. Pas de blague hein ?

- Aucun risque monsieur Pignon. Tout ira bien !

- Tant mieux. Tiens, tant que nous y sommes, sachez que nous présentons publiquement notre nouveau sponsor la semaine prochaine. Je ne peux bien sûr pas vous révéler son nom, ce sera une vraie surprise. Et en tout cas, c'est du lourd. Enfin, vous verrez bien…"

Après avoir raccroché, je me sens soulagé : ma participation aux Jeux semble désormais actée. Me voilà même détenteur d'une information de première main : un puissant sponsor va soutenir l'athlétisme. Hélas, cela ne changera rien pour moi. Ce n'est pas que je sois intéressé par l'argent, loin de là, cependant quelques primes bien méritées mettraient un peu de beurre dans mes épinards. Mais je peux déjà oublier cette perspective : l'argent va aux stars et pas aux modestes coureurs, même quand l'un d'eux se qualifie par miracle pour les Jeux olympiques.

Peu importe : je cours pour le plaisir, pour vivre des moments forts et, cette fois-ci j'en suis sûr, le compte à rebours vers Londres est enclenché. Participer aux JO, voilà bien de quoi égayer le quotidien d'un chômeur

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Un chômeur olympique

En effet, je pointe au chômage depuis quelques mois. Auparavant, j'ai travaillé comme éducateur auprès d'enfants Gitans sédentarisés, au nord de Bordeaux. Un travail prenant, parfois épuisant, mais assurément utile pour ces gamins. Hélas, mon statut était précaire et j'ai été brutalement licencié à la suite d'une incroyable affaire.

 

Flash-back :

Lors d'un contrôle de routine, le laboratoire indépendant de la CRIIRAD - Commission de recherches et d'informations indépendantes sur la radioactivité -  découvre des taux de radioactivité anormaux sur le site où vivent une cinquantaine de familles gitanes. Après quelques recherches, il apparaît que ce camp se situe au dessus d'un ancien gisement d'uranium, le minerai qui sert de combustible aux centrales nucléaires.

Cette mine, comme toutes les autres situées en France, a été exploitée autant que possible avant d'être fermée, recouverte de gravats, et abandonnée : depuis longtemps, l'industrie nucléaire française importe 100% du combustible dont elle a besoin pour alimenter ses centrales.

Les mines d'uranium sont fermées… mais la radioactivité est toujours présente, entraînant des risques non négligeables pour la santé publique. Du coup, plusieurs scandales ont déjà éclaté ici ou là en France, comme l'affaire du parking du stade de football de Gueugnon, lui aussi situé au-dessus d'une ancienne mine d'uranium.

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Or, contrairement à un parking où l'on ne reste généralement pas trop longtemps, le camp en question est le lieu de vie des Gitans, qui sont donc soumis depuis des années à des contaminations mettant en danger leur santé et les promettant à de nombreux cas de cancer.

L'affaire fait grand bruit, relayée par les médias locaux et en particulier le quotidien Sud-Ouest. Mais la municipalité de Bordeaux, propriétaire des bicoques du bidonville pour lesquelles elle perçoit des loyers, se refuse à reloger ses locataires, évoquant un règlement de l'affaire "dans les 5 ans"…

Chacun connaît l'expression consacrée : "Les promesses n'engagent que ceux qui y croient". Aussi, inquiet pour la santé de mes petits protégés et de leurs familles, je décide d'aller au-delà de mon rôle ordinaire d'éducateur : en accord avec les familles gitanes, je monte un Comité de soutien pour appuyer leur revendication d'être relogées.

C'est ainsi que, pendants des semaines, des manifestations égayent les rues de Bordeaux, mêlant non-Gitans et Gitans, ces derniers scandant, à la stupéfaction des passants, un slogan inattendu pour des Tsiganes : "On veut des maisons !".

Le scandale est énorme, d'autant que les médias locaux couvrent continuellement cette affaire hors du commun : ce n'est pas tous les jours que des Gitans manifestent. Résultat, la mairie de Bordeaux est contrainte d'assumer ses responsabilités de bailleur et de reloger les 53 familles gitanes concernées. C'est une victoire totale, ponctuée par quelques fêtes inoubliables mêlant Gitans et non-Gitans dans le ghetto, avant sa fermeture définitive.

Mais quelque temps plus tard, j'apprends que je suis licencié. Ou, plus exactement, que mon contrat n'est pas reconduit. Mon employeur est une grosse association paramunicipale : il est clair pour moi qu'il s'agit d'une punition orchestrée par la mairie, même si la "restructuration des services" est mise en avant pour expliquer mon sort.

Voilà comment j'ai découvert que la France était parsemée d'anciennes mines d'uranium pouvant poser de réels problèmes de santé publique. Et voilà aussi comment je me retrouve chômeur… et donc parfaitement disponible pour les Jeux olympiques…

 

Epicier sans frontière

Jeudi 28 juin 2012, vingt-neuf jours avant les Jeux olympiques.

Pour la deuxième fois depuis ma qualification surprise, je vais m'entraîner. Mais cette fois, pour ne pas risquer de retomber trop violement de mon nuage, j'évite de courir un 800 mètres car mon temps aurait sûrement été à nouveau plus près de 1'54 que de 1'44 : les miracles ont pour principale caractéristique de ne pas se reproduire à quelques jours d'intervalle !

Au programme, un bon échauffement, quelques accélérations, des assouplissements… Des athlètes présents sur le stade me regardent du coin de l'œil, comme si j'étais une curiosité : il faut croire que mon récent exploit commence à être connu parmi les sportifs locaux.

En rentrant, je fais quelques courses… chez mon cher épicier. De temps en temps, il me fait des remarques désagréables sur les Gitans, auxquelles je réponds en me contenant :

"- Ha, c'est bien beau d'aider les Gitans, mais qui veut en prendre près de chez soi ? Personne, et surtout pas ceux qui les encouragent à rester chez nous ! Je ne dis pas ça pour vous, hein, monsieur Lespoir !"

- Non non, bien sûr. D'autant que la plupart de ceux que je connais sont français. Ils sont donc ici chez eux…

- Ça alors ! Ils ne viennent pas de Gitanie ?

- Je crois bien que ce pays n'existe pas. Ils sont nés en France, ils y vivent… ils sont français quoi !

- Hum… Bon, en tout cas, moi je n'en veux pas par ici. Je ne suis pas raciste mais…

- Mais ?

- … Ça fait 5 euros 35. Au fait, la course à pied, ça n'a pas l'air d'aller fort malgré les yaourts bio…

- Hé hé, renseignez-vous, vous allez avoir quelques surprises…"

Je le quitte sur cette affirmation mystérieuse que je regrette aussitôt d'avoir lancée : si finalement je ne vais pas aux Jeux, je vais avoir l'air malin. Mais je me rassure tout de suite : Pignon n'appelle plus, ma sélection semble désormais certaine.

 

Du Pôle France au Pôle emploi

Vendredi 29 juin 2012, vingt-huit jours avant les Jeux olympiques.

Au courrier, je reçois pour la semaine suivante une convocation du Pôle France, une structure du ministère de la Jeunesse et des Sports qui coordonne la préparation olympique. Comme tous les sportifs qualifiés pour les Jeux, je dois passer une batterie de tests physiques et, dans le même temps, remplir toutes les formalités administratives nécessaires. Mais, pour le moment, je suis attendu au Pôle… emploi !

En effet, je suis un "demandeur d'emploi indemnisé" et, pour continuer à percevoir une somme mensuelle de 1200 euros, je dois me rendre sans faute aux convocations de ma référente. Ironie du sort, alors que je roule vers mon rendez-vous, j'entends à la radio, sur France info, une chronique sur le malaise des salariés du Pôle emploi.

"La fusion de l'ANPE et des Assedics a été réalisée dans la précipitation, sans aucune préparation. Les salariés sont contraints d'improviser continuellement, soumis au stress, poussés à la démotivation. Beaucoup d'entre eux sont dépressifs. Les plus anciens attendent impatiemment de partir à la retraite, les autres se désespèrent. Il leur avait été promis un maximum de soixante dossiers à suivre, la moyenne se situe en réalité vers les cent vingt. Comment suivre correctement la situation de cent vingt demandeurs d'emploi?"

Bigre ! Je me demande si ce n'est pas moi qui vais devoir remonter le moral de ma référente, au lieu du contraire… Hé bien non, c'est une personne souriante qui m'accueille :

"- Bonjour monsieur Lespoir. Figurez-vous que je vous ai vu il y a quelque temps à la télé, dans un reportage sur les problèmes de logement : ils ont montré des images de cette affaire de Gitans qui a eu lieu à Bordeaux l'an dernier. Je ne savais pas que vous étiez de cette ethnie !

- Ecoutez, ça ne me gênerait pas de l'être, mais ce n'est pas le cas : j'ai juste manifesté avec des familles gitanes pour les aider à être relogées.

- Ah d'accord. Dommage, j'aurais aimé vous aider à trouver un emploi…

- Vous voulez dire… que vous n'allez pas m'aider ?

- Oups… Non non, je me suis mal expliquée : j'aurais été heureuse dans le cadre de mon travail d'aider un Gitan à trouver du travail. Nous sommes là pour aider les gens qui en ont besoin et, de toute évidence, notre société "moderne" ne laisse pas beaucoup de place aux Tsiganes. Mais je suis toute disposée à vous aider quand même !

- Fort bien. Ceci dit, excusez-moi, mais je risque de ne pas être disponible dans les semaines qui viennent…

- Ben voyons ! Monsieur Lespoir, vous êtes indemnisé par le Pôle emploi pour vous permettre de tenir, le temps de trouver du travail, mais pas pour partir en vacances ! D'ailleurs, pour quelle raison ne pourriez-vous pas travailler si nous vous trouvions rapidement un emploi ?

- C'est que… Enfin bon, comment vous dire… Je vais… aux Jeux olympiques. A Londres.

- Ah ça alors ! Vous ne trouvez pas que vous exagérez ? Aller voir les Jeux olympiques au lieu de chercher un emploi ! Et puis, même si je ne suis pas censée m'occuper de vos finances, c'est quand même un peu fort, alors que vous êtes au chômage, de dépenser tout cet argent pour le voyage, l'hôtel, les places au stade… Ça m'étonnerait d'ailleurs que l'indemnité que nous vous versons suffise !

- Excusez-moi mais, en réalité, je ne vais pas voir les Jeux olympiques de Londres, je vais… y participer. Comme concurrent."

 

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Star… au Pôle emploi

Ma référente reste interdite quelques secondes. Je pressens l'inévitable : elle ne va pas me croire. Logique.

"- Alors là, Monsieur Lespoir, chapeau. Je peux vous dire que, des excuses "bidons", j'en ai vu en vingt ans d'ANPE puis de Pôle emploi. Mais alors ça… Les Jeux olympiques ! Pourquoi pas un voyage sur Mars tant que vous y êtes ?

- Mais je vous assure, je suis qualifié pour les Jeux…

- C'est bizarre, je n'ai jamais entendu parler de vous, du moins concernant des performances sportives. Et dans quelle discipline êtes-vous donc inscrit ? Les fléchettes ? La course en sac ? Le poker ?

- Non non, un vrai sport : l'athlétisme.

- Et vous croyez que je vais avaler ça ? Figurez-vous que j'aime bien le sport, mon mari est abonné à l'Equipe, j'ai déjà entendu parler du sprinter Christophe Lemeilleur, du perchiste Renaud Laviébel, mais jamais de vous ! Curieux hein ?

- Mais je vous assure…

- Bon, puisque vous vous moquez de moi, revenons à des échanges purement administratifs : m'avez-vous amené un document officiel qui atteste de votre supposée participation aux Jeux olympiques ?

- C'est que… je ne pensais pas en avoir besoin. J'ai justement reçu une convocation du Pôle France ce matin même…

- Mais vous ne l'avez pas amenée ! Comme par hasard !

- Je peux aller la chercher chez moi…

- Vous savez très bien que je reçois d'autres demandeurs d'emploi après vous. Le temps que vous reveniez, je serai déjà en entretien. Vous cherchez vraiment à me faire avaler votre histoire olympique, mais ça ne prend pas !"

Une idée me vient alors à l'esprit : je saisis mon téléphone portable et, sur l'Internet mobile, je retrouve une dépêche relatant mon exploit : "Le coureur de 800 mètres Etienne Lespoir, 30 ans, a battu hier le minimum olympique lors d'un meeting interrégional, se qualifiant pour les JO à la surprise générale."

Triomphant, je brandis l'appareil devant ma référente qui reste bouche bée, n'en croyant pas ses yeux. Subitement, saisissant mon téléphone, elle se lève, appelle ses collègues et leur montre la dépêche en me désignant. Un attroupement se forme, des agents mais aussi des chômeurs. On me félicite, on me tape sur l'épaule. Soudain, le directeur du site apparaît. Les informations circulent drôlement vite ici !

"- Monsieur Lespoir, notre antenne du Pôle emploi est fière de compter une star parmi ses clients, heu, ses usagers…

- Merci monsieur le directeur, c'est très gentil, mais je ne suis quand même pas un sportif de premier plan…

- Mais si, mais si ! On ne va pas aux Jeux olympiques par hasard. Je vais demander à mes services techniques d'organiser la retransmission de vos courses en direct dans nos locaux : cela donnera le moral à tous nos… usagers.

- Ecoutez, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, il y a ici beaucoup de gens qui ont des préoccupations immédiates bien plus urgentes que de regarder les Jeux olympiques…

- Allons allons, pas de fausse modestie. Ça donnera aussi le moral à mes agents, leur travail n'est pas facile…

- Bon, de toute façon, je serai à Londres, vous pourrez faire ce que vous voudrez. En attendant, j'aimerais quand même savoir si je dois chercher un emploi…

- Mais non Lespoir : entraînez vous ! Les Jeux sont dans un mois, ils durent quinze jours : on reparlera emploi dans sept ou huit semaines. Et encore : il serait étonnant qu'une star comme vous reste au chômage bien longtemps…"

Prétextant un rendez-vous quelconque, je m'extirpe difficilement de ce regroupement, alors que les discussions sportives vont bon train entre agents et usagers, entrecoupées d'exclamations et d'éclats de rire.

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Sur le chemin du retour, France info enchaîne les chroniques, certaines sont nouvelles et d'autres rediffusées. J'entends alors : "Malaise au Pôle emploi : la fusion de l'ANPE et des Assedics a été réalisée dans la précipitation…". Je coupe illico le son : il faut croire que je suis tombé dans la seule agence où tout le monde se tape sur les cuisses ! Tant mieux pour ces gens, usagers ou salariés du Pôle emploi, mais ils me prennent pour un champion alors que, moi, je sais bien quel est mon niveau réel !

 

Epicier olympique

Sur le chemin du retour, je passe chez mon épicier faire quelques courses… et vérifier s'il n'a pas découvert le pot aux roses.

"- Monsieur Lespoir ! J'attendais votre visite. J'ai mené l'enquête et j'ai trouvé… les Jeux olympiques ! Ha ha, petit cachottier, vous nous aviez caché ça !

- Pas vraiment : je vous ai bien indiqué qu'il suffisait d'une performance exceptionnelle pour se qualifier…

- Oui, j'aurais dû me méfier quand vous m'avez dit ça. Mais c'est tellement improbable. Eh, dites-donc, c'est forcément grâce à mes nouveaux yaourts bio !

- Eh non : j'ai obtenu ma qualification pour les Jeux avant que vous ne les ayez en rayon…

- Dommage, j'avais le sentiment d'être un peu pour quelque chose dans votre exploit. D'ailleurs, j'en ai parlé à tout le monde dans le village et, au début, personne ne voulait me croire. Mais j'ai retrouvé votre trace dans un récent numéro de l'Equipe. Heureusement que je les garde tous ! J'avais pourtant lu la page où il est question de vous, mais trop vite : il faut dire que ce n'était pas un gros article Je ne doute pas qu'il y en aura bientôt des plus importants…

- Bon, moi qui voulait rester anonyme le plus longtemps possible dans le village…

- N'y comptez pas ! Je crois d'ailleurs que le maire veut organiser des projections publiques de vos courses, sur écran géant !

- Eh bien, c'est une manie : ils veulent aussi faire ça au Pôle emploi !

- C'est normal, vous êtes un grand champion

- Non non, absolument pas, je suis un coureur moyen et j'ai eu beaucoup de chance, c'est tout…

- Ne faites pas le modeste… D'ailleurs, avec ma femme, on aimerait être pris en photo avec vous… On pourrait faire un grand poster et afficher ça sur la vitrine !

- Hum, c'est gentil, enfin bon, je suis pressé là…

- Pas grave, on fait ça la prochaine fois, promis !

- D'accord, je viendrai avec quelques amis Gitans !

- Oups, heu… bon d'accord, après tout, si ce sont vos amis…"

Eh bien, cette fois-ci, je suis démasqué ! Mon épicier a fait ma promotion dans toute la commune, le maire se met de la partie et veut lui aussi organiser une projection de ma course sur écran géant. Il est vrai que ça changera un peu de l'habituelle fête estivale avec chaque année les mêmes manèges fatigués… et fatigants !

Voilà au moins une bonne nouvelle : puisque je serai à Londres, je n'aurai pas à supporter les autos-tamponneuses, installées systématiquement sous mes fenêtres, et les animations assourdissantes du forain qui, micro en main, se croit sûrement commentateur de grands prix de formule 1 !

 

Sponsor atomique

Lundi 2 juillet 2012, vingt-cinq jours avant les Jeux olympiques.

Siège de la Fédération Française d'Athlétisme. Pour la conférence de presse d'annonce du nouveau sponsor de la Fédération, le tapis rouge est déroulé et les petits plats sont dans les grands. Le Président de la Fédération, Bertrand Salamalec, prend la parole devant un impressionnant parterre de journalistes et d'invités :

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"En ma qualité de Président de la FFA, je suis ravi de l'intérêt que porte notre nouveau partenaire à notre sport et de sa volonté de s'engager pleinement et dans la durée à nos côtés autour d'un partenariat global. Ce partenaire, c'est… Areva. Je passe d'ailleurs immédiatement le micro à son porte-parole, Jean-Emmanuel Souriez"

Parfaitement rodé, le communiquant professionnel délivre alors une salve digne de la plus belle langue de bois :

"Merci monsieur le Président. Areva est le numéro 1 du nucléaire dans le monde. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous rejoignons l’univers de l’athlétisme, discipline accessible au plus grand nombre et qui place l’humain au cœur de la performance. Ces attributs, en parfaite adéquation avec la personnalité de notre marque, constituent les fondements de notre engagement durable dans l’athlétisme.

Discipline universelle, l’athlétisme est tout à la fois un sport populaire et d’excellence. Synonyme de compétition, de performance et de technicité lorsqu’il est pratiqué au plus haut niveau, il constitue également un loisir et une source d’épanouissement.

Le lien entre la pratique de l’élite et celle du grand public se trouve dans la formidable mémoire collective de l’athlétisme, ses aventures humaines et, évidemment, l’histoire olympique. Ce lien, avant tout humain, est au coeur de l’engagement d’Areva dans l’athlétisme.

La dynamique de progrès continu, la foi dans le potentiel de chaque individu à se réaliser quels que soient ses aspirations, son niveau, son profil et son origine, et puis l’énergie, l’envie d’aller de l’avant, l’enthousiasme sont autant de points communs entre Areva et l’athlétisme. Je vous remercie."

A la fin de la conférence de presse, quelques journalistes commentent entre eux :

"- Eh bien ça alors, le nucléaire qui sponsorise l'athlétisme ! Qui plus est, en mettant en avant la nature, la santé, l'épanouissement. S'ils entendaient ces balivernes, ça ferait bien rire les gars qui bossent dans les mines d'uranium d'Areva au Niger, ou les précaires qui font la maintenance des centrales nucléaires chez nous.

- Oui, et puis pas un mot de la catastrophe de Fukushima. Tu as vu Salamalec et ses acolytes ? Ils n'ont pas l'ait gênés par la radioactivité et les contaminations : le gros chèque d'Areva, c'est tout ce qui compte…

- Eh oui, l'athlétisme est devenu un sport professionnel comme les autres. Pas de sentiments, du business. Je suis sûr qu'aucun athlète ne va protester. Pourtant, il y en a pas mal qui sont d'origine africaine : ils devraient se sentir concernés par les ravages causés par Areva au Niger.

- C'est sûr qu'on rigolerait bien si les athlètes se mettaient en grève pour dénoncer leur nouveau sponsor. Ça aurait plus de panache que la ridicule grève des footballeurs pendant la coupe du monde de football en 2010 !

- Tu rêves mon gars. Ça ne fera pas la moindre vague. Par ici la monnaie ! L'argent n'a pas d'odeur… tout comme la radioactivité !"

 

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La France de 2012, Berluskozy II

Areva qui sponsorise l'athlétisme, rien d'étonnant dans la France de 2012 : le sport y est une valeur en hausse, contrairement à l'éducation et la culture. D'ailleurs le Président de la République, Nicolas Berluskozy, a divorcé de la chanteuse Carli Bruna, dont le dernier disque a fait un flop, et a épousé illico la ministre des Sports Raya Made. Carli Bruna a été déchue de la nationalité française et renvoyée vers son pays d'origine, l'Italie.

Il faut dire que le Président a le vent en poupe, grâce à un incroyable coup de bluff qui lui a permis d'être réélu à la surprise générale le 6 mai 2012. Alors qu'il était annoncé perdant par tous les sondages, il n'a pas hésité, deux jours avant le second tour de l'élection présidentielle, à annoncer la suppression pure et simple de l'impôt sur le revenu.

Résultat : réélu avec 50,2% des voix ! Quelques jours plus tard, l'Elysée informait que, du fait de la conjoncture économique, la disparition de l'impôt sur le revenu ne serait pas possible mais que, toutefois, d'importantes remises seraient consenties… à ceux dont les revenus seraient en forte augmentation : il faut bien encourager ceux qui réussissent !

La France de 2012 est donc plus que jamais le pays où l'on glorifie les riches et les puissants, les vainqueurs par la force ou par la ruse, les chanteurs à succès et les sportifs disciplinés. Et la belle Raya Made-Berluskozy cumule désormais les postes stratégiques : porte-parole du gouvernement et ministre d'Etat chargée des Sports et du Rayonnement de la France.

D'ailleurs, la Fédération française d'athlétisme a tout juste terminé la conférence de presse rendant public son parrainage par Areva que les téléscripteurs des principaux médias reçoivent déjà un communiqué officiel :

 

La ministre Raya Made-Berluskozy soutient l'engagement d'Areva en faveur de l'athlétisme

La ministre des Sports et du rayonnement de la France, Raya Made-Berluskozy, encourage les athlètes français et se félicite de l'engagement d'Areva avec la Fédération française d'athlétisme. L'industrie nucléaire étant la plus écologique qui soit, il faut remercier Areva de se joindre ainsi aux efforts des athlètes afin d'assurer à la France le plus intense rayonnement, et ce dès les Jeux olympiques qui commencent dans quelques jours à Londres.

 

En quelques lignes, tout est dit : désormais, le prestige de la France passe à la fois par le sport et par le nucléaire. La catastrophe de Fukushima, dont les effets vont se faire sentir au Japon pendant des siècles, est déjà oubliée par le pouvoir français, plus pronucléaire que jamais. Au même moment, je suis paisiblement à l'entrainement, ignorant encore le nom du nouveau sponsor de l'athlétisme. Je dîne puis me couche sans avoir allumé la télévision ou la radio, préférant un bon livre.

 

Coup de massue

Mardi 3 juillet 2012, vingt-quatre jours avant les Jeux olympiques.

Comme tous les matins, j'allume la radio en me levant, et je découvre bien vite la terrible nouvelle puisqu'elle fait la une de l'actualité : Areva sponsorise l'athlétisme. Quelle horreur… Je suis d'autant plus atterré que je suis adhérent d'une association antinucléaire.

Certes, pas un militant très actif mais, depuis l'affaire des Gitans, un citoyen bien conscient des contaminations causées par l'industrie nucléaire, des risques d'accident dans une centrale atomique, du problème insoluble des déchets radioactifs…

Je me précipite sur Internet, où je trouve quelques précisons supplémentaires :

"AREVA devient le partenaire principal de la Fédération française d'athlétisme et contribuera, à ce titre, à la promotion et au développement de l’athlétisme en France. Dans ce cadre, AREVA sera présent aux côtés de l’équipe de France et lors des championnats de France."

C'est alors que je prends conscience de ce qui va m'arriver : je vais me retrouver avec la marque Areva sur mon maillot, je vais être transformé en panneau publicitaire à la solde de l'industrie de l'atome ! Je commence à regretter amèrement mon exploit sportif : je n'aurais jamais dû courir aussi vite ! Au lieu de déguster les Jeux olympiques à la télé, du fond de mon canapé, une bière à la main, je vais être ballotté, instrumentalisé, autant dire… contaminé.

Bien sûr, comme je suis un illustre inconnu, personne ne s'apercevra de mon humiliation, personne… sauf moi. Mais j'ai ma dignité et je ne peux accepter ça. La solution m'apparaît immédiatement : je vais prétexter une blessure quelconque et, de fait, décliner la participation aux championnats de France et aux Jeux Olympiques. C'est Pignon qui sera soulagé… et moi aussi !

 

Les Jeux atomiques

Effondré, je me laisse tomber sur mon lit encore chaud et me rendors à moitié, mes pensées se laissant aller à imaginer des disciplines aussi nouvelles que dangereuses : la course à l'atome, le saut à la perche par-dessus les lignes électriques, le lancer de déchets radioactifs, le triathlon de Tchernobyl à Fukushima… Et pour les trois premiers, de nouvelles distinctions : médailles de plutonium, d'uranium, et de radium. Ce ne sont plus les Jeux olympiques qui commencent dans quelques jours mais…les Jeux atomiques !

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A ce moment là, le téléphone sonne et me sauve de ce véritable cauchemar. Je décroche, c'est justement le président de mon association antinucléaire qui m'appelle, rigolard comme d'habitude… et même plus que d'habitude ! Je l'avais déjà informé que j'étais qualifié pour les Jeux olympiques, mais à ce moment là il n'était pas question d'Areva.

"- Allo Etienne ? C'est Patrick ! Alors tu cours pour l'industrie nucléaire maintenant ? Ha ha ha !

- Je me doutais que tu ne laisserais pas passer une si belle occasion de me taquiner. Sérieusement, tu te rends compte de ce qui m'arrive ? Je ne peux pas accepter de porter un maillot sur lequel sera écrit Areva !

- Bon écoute, une fois passée l'heure des moqueries, je tiens à te dire ceci : il n'est pas nécessaire que tu sacrifies ta participation aux JO à cause de ces idiots de la Fédération d'athlétisme. Ce n'est quand même pas ta faute s'ils se sont vendus à Areva. Moi, en tout cas, je ne t'en voudrai pas du tout. De toute façon, si tu boycottais les Jeux, sincèrement ça n'aurait aucun impact : il aurait fallu que ce soit Christophe Lemeilleur ou Renaud Laviébel. Sans vouloir te vexer…

- Aucun risque, je connais mon niveau. Le problème, c'est que les stars du sport ne contestent jamais les sponsors, et que ceux qui ont le courage de le faire ne sont pas des cracks : la vie est mal faite ! Ceci dit, même si ça n'aura aucun impact public, il faut que je trouve une solution. Dans un premier temps, je pensais simuler une blessure pour ne pas avoir à faire la promotion du nucléaire, mais ça voudrait dire que je sacrifie ma participation aux Jeux. Alors je viens d'avoir une idée : je vais discrètement cacher avec de l'adhésif le nom et le logo Areva présents sur mon maillot. Ce sera juste pour moi, pour ma dignité personnelle. Ça ne fera pas de vague, personne ne s'occupera du plus mauvais athlète présent sur le stade, mais au moins je pourrai me regarder dans la glace.

- Eh bien voilà, super. Devant la télé, je serai sûrement le seul à déceler ce stratagème, et je boirai un coup à ta santé ! Ce sera quand même une petite victoire contre le nucléaire. Discrète, symbolique, mais réelle !"

Me voilà momentané soulagé : pas de Jeux atomiques, ni même de Jeux olympiques sous le patronage d'Areva. Mais je sens bien que rien ne sera simple et que mon pauvre stratagème risque bien de ne pas fonctionner aussi facilement…

 

Championnats de France

Samedi 7 juillet 2012, vingt jours avant les Jeux olympiques.

Les championnats de France d'athlétisme se tiennent du 6 au 8 juillet. Ma course, le 800 mètres, a lieu le samedi après-midi. C'est l'occasion pour les stars de s'étalonner une dernière fois avant le grand rendez-vous olympique, et pour les autres athlètes de côtoyer les précédents.

Personnellement, je me trouve entre les deux catégories : à la fois qualifié pour les Jeux, et… athlète anonyme. Les panneaux et banderoles à la gloire d'Areva pullulent sur le stade mais, pour ces championnats, je ne risque rien concernant mon maillot : chacun court avec celui de son club. Pas de logo nucléaire, tout va bien.

Mais j'ai oublié un petit détail… pas si petit d'ailleurs : le dossard, qui porte deux énormes mentions AREVA, en blanc sur rouge. L'heure du 800 mètres approche, les officiels nous remettent nos dossards et je découvre le problème. Discrètement, je replie le haut et le bas du dossard que j'agrafe ainsi sur mon maillot : le nom de l'entreprise nucléaire a disparu : l'honneur est sauf.

Hélas, il faut toujours que quelqu'un fasse du zèle : quelques secondes avant le départ, un officiel aperçoit mon dossard et m'interpelle : "Hé toi, tu te crois où ? C'est pas le cirque ici ! Tu mets ton dossard comme tout le monde !". Je fais mine d'obéir, je me retourne en faisant semblant de rectifier le problème. Mais le gars ne lâche pas si facilement. "Ho ! Tu te moques de moi ? Tu mets ton dossard comme il faut ou je te disqualifie". A ce moment-là, d'autres coureurs commencent à réagir, sans savoir vraiment quelle est la nature du problème : "Laissez-le tranquille avec son dossard, la course va démarrer et vous nous empêchez de nous concentrer !".

Mais l'officiel n'en démord pas. Un attroupement se crée. La sono annonce la course, l'heure de départ est dépassée alors que le programme doit être respecté à la minute près. Les caméras s'approchent : les championnats sont diffusés en direct par France télévision comme chaque année.

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Scandale télévisé en direct

Pierrick Monteil, inamovible commentateur de l'athlétisme sur France télévision, s'interroge à l'antenne :

- Un incident semble avoir lieu au départ du 800 mètres alors que la course devrait déjà être lancée. Les coureurs polémiquent avec les officiels. J'appelle notre journaliste présent en bord de piste : Nelson, pouvez-vous nous dire ce qui se passe ?

- Oui Pierrick, c'est une affaire de dossard. Le numéro 51, Etienne Lespoir, semble ne pas avoir accroché le sien selon le règlement et les officiels le menacent de disqualification.

- Ah mais, Lespoir, c'est ce gars qui s'est qualifié pour Londres à la surprise générale ? Mais je vois que le départ va être donné sans lui. Nelson, merci de tendre votre micro à Lespoir après la course pour savoir ce qu'il s'est passé.

Le 800 mètres se déroule donc sans moi. Appuyé contre la main courante, je regarde passer mes concurrents, à la fois frustré de ne pas courir… et soulagé en constatant la vitesse impressionnante à laquelle ils avancent ! Après avoir commenté la course, Pierrick Monteil revient à la charge, il m'interroge pendant que le célèbre Nelson tient le micro :

- Etienne Lespoir, nous sommes en direct, vous n'avez pu participer au 800 mètres, pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé ?

- Bonjour Pierrick. Eh bien, j'ai été disqualifié parce que je n'avais pas agrafé correctement mon dossard.

- Elle est bien bonne celle-là ! Ce n'est quand même pas compliqué d'accrocher un morceau de tissu avec quatre épingles ! Pourriez-vous nous dire ce qui s'est VRAIMENT passé ?

- Heu, en fait, c'est volontairement que j'ai replié le dossard avant de l'agrafer.

- Ah bon ? Mais quelle mouche vous a donc piqué ? Vous ne pensiez tout de même pas gagner en aérodynamique avec un si pauvre subterfuge ?

- Non bien sûr, cela n'a rien à voir. En fait, je voulais juste cacher le nom du sponsor, Areva

- Tiens, c'est curieux. Vous savez pourtant que de nos jours les sponsors sont indispensables, non ?

- C'est que, là, c'est un problème de conscience. Areva, c'est une entreprise de l'industrie nucléaire, et je suis opposé à ça, à cause des risques, des contaminations, des déchets radioactifs, et puis… il y a eu la catastrophe de Fukushima !

- Ah mais voilà qu'on a trouvé un écologiste. Manquait plus que ça ! Vous n'irez pas très loin mon petit Lespoir si vous causez de tels problèmes. Vous comptez aller à Londres en vélo peut-être ?

- Ce n'est pas très fair-play de vous moquer de moi comme ça, d'ailleurs il me semble que votre cher collègue Nelson, qui me tient le micro, a été mis en cause pour avoir fait des "ménages" pour Areva afin d'arrondir grassement ses fins de mois, en contradiction avec les règlements de France télévision…

- Heu, eh bien on revient au direct avec le saut en longueur…

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Discussions en coulisse

Après avoir esquivé un micro lancé par ce cher Nelson, furieux que sa collaboration contestable avec Areva ait été évoquée à l'antenne, je rentre au vestiaire, frustré de ne pas avoir couru et assez inquiet pour la suite des évènements. Moi qui voulait passer inaperçu avec mon dossard discrètement "décontaminé", voilà que j'ai été carrément amené à m'expliquer à la télévision.

Pignon va être furieux. Je sens que la Fédération va revenir à la charge pour m'écarter des Jeux, d'autant que j'ai publiquement mis en cause leur cher sponsor atomique. Mon portable sonne. Je décroche, c'est mon pote Patrick, l'antinucléaire.

"- Etienne, génial, formidable. J'espère que ça ne va pas te porter tort pour la suite mais, pour ce qui est de la lutte, c'est parfait : tu as mis Areva en accusation devant des millions de téléspectateurs. Pendant que tu répondais aux questions, on voyait ce malheureux Nelson se décomposer, c'était à mourir de rire…

- Ecoute, je suis content pour toi et pour tous les antinucléaires, mais ce n'est pas du tout ce que j'avais prévu. Tout ça à cause de cet officiel zélé ! J'espère que ça va en rester là…

- Détrompe-toi : ça passe déjà en boucle à la radio sur France Info !

- Aïe ! Je sens que les Jeux olympiques s'éloignent pour moi… Bon on se rappelle dès qu'il y a du nouveau."

Je branche alors mon téléphone en mode "radio" pour écouter la chaîne d'information. Je ne suis pas déçu :

"Incident lors des championnats de France d'Athlétisme, à trois semaine des Jeux olympiques : un coureur a été disqualifié et a pris position contre le sponsor de la fédération française, l'entreprise nucléaire Areva".

Au même moment, le Président de la Fédération française d'athlétisme, Bertrand Salamalec, reçoit un coup de fil du porte-parole d'Areva, Jean-Emmanuel Souriez, qui en l'occurrence ne sourit pas du tout :

"- Président, qu'est ce que c'est que cette mascarade ? Areva ne vous signe pas de gros chèques pour ensuite se faire accuser par vos athlètes devant des millions de téléspectateurs ! Et d'abord, qui c'est ce guignol, ce Lespoir ?

- Heu… je ne le connais pas depuis longtemps. On m'a informé qu'il s'était qualifié à la surprise générale pour les JO. On ne sait pas comment il a fait pour battre le minimum olympique mais, du coup, il s'est automatiquement qualifié pour les Championnats de France, d'où sa présence cet après-midi. C'est peut-être un provocateur embauché par les Chinois ou les Américains qui veulent déstabiliser notre belle industrie nucléaire ?

- Vous cherchez à vous disculper Salamalec ! Si c'était ça l'explication, les services secrets français seraient déjà au courant, et nous aussi de fait. Non, jusqu'à preuve du contraire, c'est bien un de vos gars qui se permet de nous attaquer. Bon, vous allez immédiatement vous débarrasser de ce Lespoir : impensable d'amener ce type à Londres, il est capable de refaire le même coup !

- C'est que… Il est qualifié…

- Débrouillez-vous ! Il doit bien y avoir dans vos règlements une clause qui oblige les athlètes à respecter les sponsors, non ? Autrement il va nous mettre du Fukushima à toutes les sauces ! Trouvez un prétexte, sinon nous rompons le partenariat et nous vous attaquons en justice : avec ce qui s'est passé en direct cet après-midi, vous êtes sûrs de perdre !

- Ne vous fâchez pas cher Jean-Emmanuel, vous savez à quel point nous comptons sur Areva.

- Ah très bien, je vois que nous nous comprenons…"

Illico, Salamalec appelle le DTN Jean Pignon :

- Jean, écoutez-moi bien, la situation est grave. Je viens d'avoir Areva au téléphone, ils sont furieux !

- Ah bon ? Et pourquoi ça ?

- Vous plaisantez ou quoi ? A cause de Lespoir qui a fait son scandale en direct, en assassinant notre sponsor ! Du coup, Areva nous menace de résilier le partenariat : ce serait la banqueroute pour la fédération !

- Mais que faut-il faire pour les calmer ?

- C'est tout simple : ils exigent que Lespoir soit exclu de l'équipe qui ira aux JO. Et ils ne veulent plus jamais entendre parler de lui ! Il faut agir vite.

- Bon, je vais trouver une solution

- Vous avez intérêt, et vite ! Tenez-moi au courant…"

En bon soldat de la Fédération, Pignon appelle aussitôt celui par qui le scandale vient d'arriver.

"- Lespoir, vous vous prenez pour qui ? Ah, vous avez fait votre malin, eh bien il va falloir assumer maintenant. Vous allez m'envoyer aujourd'hui même une lettre de démission de l'équipe de France. Vous renoncez aux JO !

- Mais c'est hors de question ! Vous vous croyez en URSS ou quoi ? Il faut que je fasse mon "autocritique", que j'avoue je ne sais quelle trahison, et que je me prive moi-même des Jeux? Et puis quoi encore ? Prenez vos responsabilités : excluez-moi si vous voulez, mais je ne le ferai pas à votre place.

- Pas de problème : je vous suspends immédiatement à titre conservatoire et je vous signifie ça aujourd'hui même par un recommandé. Pas de JO pour vous. Pour la suite, on est tranquilles : ce n'est pas en courant en 1'52 que vous vous qualifierez à nouveau pour quoi que ce soit ! Canasson !"

Canasson, canasson, il y va fort le Pignon. Je ne suis certes pas un lévrier, mais quand même ! En tout cas, cette fois-ci, ma participation aux Jeux semble bien compromise.

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Suspension

Lundi 9 juillet 2012, dix-huit jours avant les Jeux olympiques.

Comme prévu, je reçois un courrier recommandé de Pignon qui n'a donc pas perdu de temps. Il m'annonce ma suspension "à titre conservatoire pour une durée de deux mois", c'est-à-dire… au-delà de la fin des Jeux olympiques. Le motif de la suspension est explicite : "Mise en cause publique du partenaire principal de la Fédération". Aussitôt, j'appelle mon collègue antinucléaire :

"- Patrick, devine ce que je viens de recevoir ? Je suis suspendu de l'Equipe de France pour deux mois, c'est-à-dire que je suis exclu des JO. Et à la demande d'Areva en plus !

- Génial !

- Ah bon, t'es content toi ?

- Bien sûr ! C'est une opportunité inespérée. On va organiser des manifestations de soutien en ta faveur, ça va être le scandale du siècle. Du coup, ils vont être obligés de te réintégrer !

- Mouais, des manifs en plein mois de juillet… ça m'étonnerait que tu arrives à drainer les foules. Et puis les JO sont dans moins de trois semaines. Tout va aller très vite maintenant.

- Ecoute, on va déjà contre-attaquer par communiqué. Faxe-moi l'avis que tu as reçu de la fédération, ce sera une preuve que je diffuserai aux médias.

- Au point où j'en suis, de toute façon, ne te gène pas : je voulais rester discret, c'est râpé…"

 

Pôle humain

A peine ai-je raccroché que mon téléphone sonne. C'est… le directeur de l'agence du Pôle emploi.

"- Ah, Monsieur Lespoir, c'est terrible. J'ai vu les championnats de France à la télévision samedi, et beaucoup de salariés de l'agence en ont fait de même. Nous sommes atterrés par ce qui vous arrive.

- Eh bien, je suis sensible à votre démarche : je m'attendais au contraire à ce que vous me convoquiez dès aujourd'hui comme un malpropre, maintenant que je n'ai plus de raison de ne pas chercher du travail…

- Mais non, nous vous soutenons tous. Il doit bien y avoir une solution pour que vous alliez quand même aux Jeux. Autrement, ce serait terrible pour vous… mais aussi pour le moral de mes troupes. Adieu aux diffusions en direct de vos courses dans l'agence, ce serait tellement dommage.

- Merci monsieur le directeur. Il y a d'autres gens qui me soutiennent et qui pensent que je peux encore aller à Londres. A suivre…

- Faites le maximum Lespoir, on parlera emploi une fois que tout sera terminé. On devrait bien arriver à vous trouver du travail dans les énergies renouvelables… Et n'oubliez pas de vous entraîner malgré tout ça !"

Inutile de dire que j'apprécie particulièrement la réaction très humaine du directeur du Pôle emploi : à défaut de toucher de l'or (olympique), j'ai bien besoin de mes 1200 euros mensuels. Par contre, je suis moins optimiste concernant mon village : mon cher épicier aurait mieux fait de rester discret au lieu de faire ma promotion au niveau municipal. Dire que le maire veut faire des projections publiques des courses… auxquelles je ne participerai finalement pas !

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Communication

Le jour même, les principaux médias français reçoivent un communiqué vengeur de la Coordination nationale antinucléaire.

 

Coordination nationale antinucléaire
Communiqué du lundi 9 juillet 2012

La Coordination nationale antinucléaire soutient Etienne Lespoir
et demande sa réintégration en Equipe de France d'athlétisme

La coordination nationale antinucléaire accuse la multinationale atomique Areva, sponsor de la Fédération française d'athlétisme, d'avoir exigé et obtenu l'exclusion d'Etienne Lespoir. Lors des récents championnats de France, cet athlète a démontré qu'il était un citoyen courageux et conscient des enjeux écologiques, en refusant de porter le nom d'Areva sur son dossard.

Bafouant la liberté d'opinion, les officiels de la Fédération ont alors disqualifié Etienne Lespoir qui n'a pu de fait participer à la course.

Aujourd'hui, l'affaire est devenue encore plus intolérable : on apprend que, à la demande d'Areva, la Fédération française d'athlétisme a suspendu Etienne Lespoir pour une durée de deux mois, de façon à lui faire manquer les Jeux Olympiques. C'est inacceptable.

Une fois de plus, il est démontré que, en France, l'industrie nucléaire est un véritable Etat dans l'Etat, qui impose sa loi jusque dans les stades.

Les dirigeants de la Fédération française d'athlétisme sont eux aussi indéfendables : ils n'auraient jamais dû se soumettre aux exigences d'Areva.

Ils paient aujourd'hui les conséquences de leur indigne partenariat avec Areva : courir, sauter, lancer, ce sont des activités pratiquées depuis toujours par les êtres humains dans le respect de leur environnement. Il était donc injustifié de lier ce beau sport à l'industrie nucléaire, spécialiste de la pollution avec ses contaminations, ses déchets radioactifs, et ses catastrophes comme Tchernobyl ou Fukushima.

La Coordination nationale antinucléaire exige la réintégration d'Etienne Lespoir dans l'équipe de France d'athlétisme afin qu'il puisse participer normalement aux Jeux olympiques.

 

Quelques instants plus tard, l'Agence France Presse (AFP) émet une dépêche sur le sujet :

 

AFP - Lundi 9 juillet 2012 - 17h12

Les antinucléaires demandent la réintégration d'un athlète exclu de la délégation française aux JO

La coordination nationale antinucléaire a demandé aujourd'hui lundi 9 juillet la réintégration du coureur de 800 mètres Etienne Lespoir dans la délégation française pour les Jeux Olympiques de Londres qui débutent le 27 juillet.

Un courrier recommandé, dont l'AFP a pu consulter une copie, montre que M. Lespoir a en effet été suspendu par la Fédération française d'athlétisme (FFA). Il lui serait reproché d'avoir refusé de porter sur son dossard le nom de l'entreprise nucléaire Areva, partenaire principal de la FFA. Selon les antinucléaires, cette sanction aurait été demandée par l'entreprise Areva elle-même.

Sans être un activiste de premier plan, M. Lespoir serait un militant antinucléaire et n'accepterait pas de porter sur lui le nom d'Areva.

Jointes par l'AFP, la FFA et Areva n'ont pas souhaité commenter cette information.

 

Le soir, la plupart des radios et des télévisions évoquent l'affaire dans leurs journaux. Bien sûr, ce n'est pas le titre principal : il se passe des choses bien plus graves dans le monde et en France. Mais, toutefois, l'affaire fait du bruit. Je passe la fin d'après-midi à répondre à des interviews et, tout étonné, je m'entends sur les ondes et je me vois dans ma télévision. J'aurais préféré que ce soit pour un exploit sportif…

 

Visite discrète

Mardi 10 juillet 2010, dix-sept jours avant les Jeux olympiques.

En fin de journée, alors que je sirote tranquillement une petite bière en lisant un magazine, on frappe à ma porte. J'ouvre et je me trouve face à un individu de grande taille, un Black dont le visage ne me semble pas inconnu mais que je ne parviens pas à "remettre". Vêtu d'un sweat à cagoule, portant des lunettes de soleil, il jette des coups d'œil furtifs autour de lui, comme s'il craignait d'être vu à cet endroit. Il s'adresse à moi :

"- Etienne Lespoir ?

- Oui, c'est moi…

- Je peux entrer ? C'est important.

Une fois la porte refermée, il semble se détendre un peu… tout en prenant néanmoins la peine de tirer les rideaux.

"- Salut, je suis Thierry.

- … ?

- Mais si, tu sais bien, le triple-sauteur !

- Ah mais oui, bien sûr ! Tu as conservé ton titre de champion de France avant-hier. Moi, hélas, je n'ai pas pu participer au 800 mètres…

- Eh bien justement, c'est de ça que je viens te parler. Et des suites de cette affaire, ta suspension par la Fédé…Tout l'athlétisme français ne parle que de ça… Et tout le monde flippe.

- Ah bon ? Mais pourquoi ?

- C'est évident : tu as mis en cause le parrain principal de l'athlétisme en France. Areva ne sponsorise pas seulement l'équipe nationale mais finance aussi de nombreuses compétitions d'athlé dans tout le pays. Tout le monde craint de voir cette manne s'évanouir si Areva claque la porte…"

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Athlètes concernés

A ce moment-là, un doute s'insinue en moi. Mon affaire étant médiatisée, la Fédération ne tenterait-elle pas de me faire taire en me culpabilisant ? C'est peut-être elle qui m'envoie un représentant des athlètes, sachant que j'aurai forcément des scrupules à l'envoyer bouler, vu que je n'ai pas avec les athlètes le contentieux qui m'oppose à Pignon ou à Salamalec. Je décide d'en avoir le cœur net et je questionne le dénommé Thierry :

"- Dis-moi, est-ce que par hasard tu ne serais pas venu me demander de rentrer dans le rang ? De renoncer aux Jeux olympiques ?

- Mais non, justement. Ecoute, on est nombreux à ne pas aimer Areva. Comme tu sais, il y a un certain nombre de membres de l'Equipe de France qui sont d'origine africaine comme moi. Et nous savons très bien ce que fait Areva au Niger, mais aussi au Gabon, au Congo, en Centrafrique, etc. Nous savons ce qui se passe, les contaminations de l'environnement, la santé des mineurs compromise, les ressources pillées, les nappes phréatiques asséchées, les populations nomades écartées de leurs lieux de vie ancestraux…

- Ça alors ! J'étais loin de penser que vous connaissiez tout ça : on n'a entendu aucun athlète protester lorsque Areva a été présenté comme le nouveau sponsor principal de la Fédération !

- C'est que… c'est très difficile. Nous sommes quelques-uns à avoir essayé d'en parler avec le Président Salamalec et d'autres dirigeants de la Fédé. Ca a été terrible, tu n'imagines même pas la pression : nous avons été accusés de vouloir saborder notre sport, de condamner au chômage des dizaines d'administratifs des Ligues régionales et des Comités départementaux. On nous a accusés de mettre en avant nos "états d'âmes de privilégiés" au détriment des milliers de bénévoles qui font vivre l'athlétisme sur le terrain… Tu vois, pas facile finalement de jouer les héros…

- Mais alors pourquoi viens-tu me voir ? Ce n'est quand même pas juste pour me féliciter !

- Non bien sûr. Voilà : comme je viens de te l'expliquer, nous ne sommes pas en situation d'intervenir publiquement contre Areva. Ni même de te soutenir directement dans ton combat.

- Eh bien, ce n'est pas réjouissant…

- Attends… J'ai dit que nous ne pouvions pas soutenir directement ton combat, mais indirectement oui.

- C'est-à-dire ?

- Nous allons demander à ce que tu ne sois pas suspendu. Attention, nous ne prendrons pas position sur le fond du problème, pour ou contre Areva : nous allons "seulement" demander à ce que tu puisses aller normalement aux Jeux olympiques et que tu ne sois pas sanctionné du fait de tes opinions. Ce sera déjà beaucoup pour nous, on sera à la limite par rapport à Areva. Nous pensons que les dirigeants de cette entreprise, qui tiennent tellement à avoir une bonne image, ne pourront se permettre d'être jusqu'au-boutistes et de continuer à exiger ta mise à l'écart.

- Ok, pourquoi pas. Ça peut marcher. Mais comment allez-vous faire ?

- Figure toi que c'est carrément Christophe Lemeilleur qui va monter au créneau.

- Waouw ! Je pensais qu'il ne me connaissait même pas !

- Eh bien, justement, il ne te connaît pas. Ou plutôt il n'avait jamais entendu parler de toi, mais nous sommes quelques-uns de l'équipe de France à l'avoir briefé, suite à quoi il a donné son accord pour intervenir. Mais, comme je t'ai dit, ne te fais pas d'illusion, il n'y aura rien contre Areva : juste ton droit à aller aux JO

- Ok, c'est déjà super comme ça, merci.

- En fait, quelque part, merci à toi : même si tu nous mets dans le pétrin, nous sommes finalement assez contents de ce qui se passe…"

 

Epicier perturbé

Mercredi 11 juillet 2012, seize jours avant les Jeux olympiques.

Il y a des jours où l'on se passerait autant d'aller faire les courses que de faire de la course à pied. Me voilà hélas chez mon épicier…qui ne sait plus quoi penser.

"- Mais alors, Monsieur Lespoir, vous y allez ou pas aux Jeux olympiques ? Hier soir, il n'y en avait que pour vous aux infos. Normalement, c'est bien d'être médiatisé comme ça, mais là ça n'avait pas l'air d'être très bon. Enfin, je n'ai pas tout compris…

- C'est vrai que c'est un peu compliqué. Je risque effectivement de ne pas aller aux Jeux…

- Ah mais alors là ce serait une catastrophe !

- Oui, je serais terriblement déçu…

- Non non, je parlais de moi : le maire a déjà commandé un écran géant pour retransmettre vos courses. Si vous n'êtes pas aux Jeux, ce sera de l'argent gaspillé. Or, c'est moi qui aie poussé le maire à faire ça… Il va peut-être me présenter la note !

- Ah, ok, je vois… Je vous avais dit de ne pas vous emballer !

- Bon, essayez d'arranger tout ça hein. Sinon, on pourra peut-être partager la facture ?

- Eh, n'oubliez pas que je suis chômeur…

- Vous pourrez peut-être venir quelques heures pour réassortir les rayons…

- Ben voyons…"

 

Lemeilleur entre en piste

Jeudi 12 juillet 2012, quinze jours avant les Jeux olympiques.

C'est à la fin d'une interview télévisée, avec l'inévitable Patrick Monteil, que Christophe Lemeilleur, évoque l'affaire :

"- A propos des Jeux olympiques, j'ai une information à donner : avec les autres membres de l'Equipe de France, je demande officiellement à ce que la sanction qui vise le coureur de 800 mètres Etienne Lespoir soit levée afin qu'il puisse participer normalement aux Jeux, pour lesquels il s'est qualifié.

- Lespoir, c'est bien ce gars qui est suspendu par la Fédération pour avoir critiqué le sponsor Areva ?

- Oui, c'est bien lui.

- Mais, dites-moi, nous ne sommes quand même pas en train de revivre ce qui s'est passé avec l'équipe de France de Football pendant la Coupe du monde 2010 ? Allez-vous faire grève pour soutenir Lespoir tout comme les footballeurs ont fait grève pour soutenir Nick Olanelka ?

- Heu… écoutez, on n'a pas parlé de faire grève, on demande juste à ce que ce garçon puisse faire sa course à Londres.

- Est-ce que vous pourriez rappeler, pour les téléspectateurs, pourquoi Etienne Lespoir s'oppose au sponsor de la Fédération, l'entreprise du nucléaire Areva ?

- Eh bien, c'est par exemple du fait de la production de déchets radioactifs, du fait des contaminations causées par les mines d'uranium au Niger et en France, et puis il parait qu'il y a eu des problèmes à  Buffalobyl et Foufoushima…

- Merci mon cher Christophe, je crois que vous voulez parler de Tchernobyl et Fukushima. Bon, nous devons rendre l'antenne, mais en tout cas c'est sympathique de voir des sportifs qui se soucient de l'environnement, espérons toutefois que cela ne viendra pas perturber la préparation pour les Jeux olympiques. A vous Paris …"

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Quelques minutes plus tard, le portable de Lemeilleur sonne.

"- Allo Christophe ? C'est le président Salamalec. Qu'est-ce qui t'a pris mon petit Christophe ? Je ne veux pas t'engueuler, tu es notre meilleur athlète, mais… ce que tu viens de faire est terrible !

- Oh, il ne faut pas exagérer, nous demandons juste que Lespoir puisse courir à Londres, ce n'est quand même pas un drame

- Pfff, Lespoir tout le monde s'en moque. Le problème est que tu as attaqué en direct notre cher sponsor Areva

- Mais pas du tout ! Je me suis bien gardé d'en parler. C'est d'ailleurs ce que nous avons décidé avec les autres membres de l'équipe de France : on soutient Lespoir sans entrer dans la polémique sur Areva.

- Mais tu as parlé des déchets radioactifs, des mines d'uranium !

- Ah mais je ne faisais que répondre au journaliste. Il demandait ce que Lespoir reprochait à Areva. Ce sont les arguments de Lespoir, pas les miens.

- Mais tu ne te rends pas compte ! Tout le monde a cru que c'était toi qui dénonçais Areva !

- …

- C'est une catastrophe. Bon, je te laisse : j'ai un double appel, je suis sûr que c'est Areva. On en reparle mais, désormais, plus un mot sur ça, hein ?

 

Salamalec a vu juste : c'est Jean-Emmanuel Souriez :

"- Eh bien c'est de mieux en mieux mon cher Salamalec ! Jusqu'alors nous n'étions attaqués que par un minable, ce pauvre Lespoir. Mais là, chapeau ! C'est carrément Lemeilleur qui joue les antinucléaires ! Et vous croyez que nous allons continuer à vous sponsoriser ?

- Ecoutez, Jean-Emmanuel, c'est une effroyable confusion, un terrible quiproquo : je viens d'avoir Lemeilleur, il n'a rien contre vous, il demande juste à ce que Lespoir puisse courir à Londres.

- Ben voyons ! Vous ne l'avez peut-être pas entendu parler de déchets radioactifs et de contaminations ?

- C'est que… Il m'a expliqué qu'il ne faisait que répondre à la demande du journaliste qui voulait que soit donné le point de vue de Lespoir...

- Ca, pour l'avoir donné, il l'a donné ! Et en lui apportant sa caution ! Je vous informe que nos juristes étudient d'ores et déjà toutes les suites à donner à cette affaire et en particulier la rupture à vos torts du contrat de parrainage…

- Mais, cher Jean-Emmanuel…

- Trop tard pour geindre Salamalec : il fallait tenir vos gars avant !"

 

Médias

Le lendemain, vendredi 13 juillet, quatorze jours avant les Jeux olympiques.

Inévitablement, la presse s'empare à nouveau de l’affaire… qui fait désormais la une. En effet, à deux semaines des Jeux olympiques, c'est carrément la star de l'athlétisme français qui s'implique, et qui met en cause le sponsor Areva. Revue de presse :

 

L'Equipe : "Lemeilleur sort de la piste en jouant les antinucléaires"

"Alors que les Jeux olympiques de Londres s’annonçaient comme une réussite exceptionnelle pour l’athlétisme français, c’est un incroyable pavé dans la mare qu’a jeté hier Christophe Lemeilleur, soutenu semble-t-il par l’ensemble des athlètes de l’Equipe de France. En effet, volant au secours d’Etienne Lespoir, un athlète quasi-inconnu, Christophe Lemeilleur a violemment pris position contre l’entreprise nucléaire Areva, le premier sponsor de la fédération française d’athlétisme. Déchets radioactifs, contaminations diverses, Tchernobyl et Fukushima, rien n’a été oublié par l’antinucléaire Lemeilleur, à part peut-être la sérénité des sportifs qui s’apprêtaient à se couvrir d’or et de gloire à Londres. En coulisse, les dirigeants de la FFA avouent leur impuissance : n’importe quel athlète autre que Lemeilleur aurait été immédiatement exclu, mais comment se passer du leader charismatique et, accessoirement, d’une des meilleures chances françaises de titre olympique ?"

 

Libération : "Lemeilleur court pour les antinucléaires"

"Surprise dans le monde sportif : un athlète, et non des moindres puisqu'il s'agit de Christophe Lemeilleur, la star du sprint français, s'est opposé au sponsor principal de sa fédération, en l'occurrence l'entreprise nucléaire Areva. Reprenant les principaux thèmes antinucléaires, Lemeilleur a démontré que les jeunes athlètes ne sont pas disposés à accepter n'importe quel sponsor. On peut assurément parler de "sportifs-citoyens", ce qui tranche avec l'image habituelle des sportifs, à commencer par les footballeurs, qui ont bien plus tendance à "encaisser la monnaie" qu'à se poser des questions éthiques".

 

Le Figaro : "Lemeilleur défie Areva"

"A quelques jours des Jeux olympiques, les athlètes ont démontré qu'ils n'étaient pas conscients de la réalité du sport moderne. En effet, par la voix de leur leader Christophe Lemeilleur, les membres de l'équipe de France d'athlétisme ont vertement critiqué leur sponsor Areva. Selon nos informations, le "géant du nucléaire" se préparerait logiquement à rompre son partenariat avec la Fédération française d'athlétisme dont les finances sont pourtant très dépendantes du sponsor contesté."

 

Lemeilleur dans l'oeil du cyclone

Sidéré par les conséquences de ses déclarations, sollicité comme jamais par les médias, Christophe Lemeilleur tente de s'expliquer lors d'une conférence de presse organisée à la hâte :

"- Un journaliste : Christophe, c'est la première fois que vous exprimez votre engagement écologiste, et même antinucléaire. Pourquoi ne pas l'avoir fait auparavant, et en particulier au moment où la Fédération française d'athlétisme a annoncé que son nouveau sponsor était Areva ?

- Lemeilleur : Eh bien, en fait, je n'étais pas antinucléaire à ce moment là.

- Ne serait-ce pas le fameux Lespoir qui vous aurait convaincu ?

- Pas du tout, ce n'est pas lui qui m'a… Enfin je veux dire personne ne m'a convaincu d'être antinucléaire. D'ailleurs je ne le suis pas vraiment.

- Ah bon ? Vos déclarations d'hier étaient pourtant très claires.

- Ecoutez, comme je l'ai d'ailleurs bien expliqué, je parlais au nom de la plupart des membres de l'Equipe de France, et il s'agissait juste de demander à ce que Lespoir puisse participer aux Jeux.

- Certes, mais il a été sanctionné pour avoir contesté Areva à cause des pollutions causées par l'industrie nucléaire. Les autres athlètes ont bien un avis sur la question non ?

- Oui, c'est exact, certains sont très contents que Lespoir ait dit tout ça.

- Ah bon ? Ils s'opposent donc aussi à Areva ? Mais de qui s'agit-il ?

- Heu… Non, je me suis mal expliqué. Je veux dire que certains sont contents que Lespoir… ait un avis.

- Et vous ? Que pensez-vous des déchets nucléaires ?

- Eh bien, je crois qu'ils sont… radioactifs. Oui, ça me revient, ils sont radioactifs, et très dangereux.

- Vous voyez bien, vous êtes antinucléaire !

- …?

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Manifestations

Pour les militants de la Coordination nationale antinucléaire, l'affaire Lespoir justifie largement une mobilisation. Ils décident alors d’organiser de toute urgence des manifestations dans toute la France devant les Comités départementaux de la Fédération française d’athlétisme. Au menu, un soutien affiché aux "athlètes citoyens", Lemeilleur et Lespoir en tête.

Théoriquement, il faut des semaines pour organiser de telles actions, et surtout pour les faire connaître aux manifestants potentiels. Mais là, au contraire, surfant sur l’actualité brûlante et sur la médiatisation de l'affaire, la Coordination décide d’agir au plus vite et choisit le jeudi 19 juillet en fin d’après-midi : les gens qui ne sont pas en vacances iront volontiers manifester en sortant du boulot…

 

Coordination nationale antinucléaire - Communiqué du vendredi 13 juillet 2012

Pour Lemeilleur et pour Lespoir, contre Areva
Manifestons jeudi 19 juillet devant les comités
locaux de la Fédération française d'athlétisme

La coordination nationale antinucléaire appelle les citoyens à manifester partout en France jeudi 19 juillet à 18h en soutien aux athlètes Etienne Lespoir et Christophe Lemeilleur et contre la multinationale atomique Areva, sponsor de la Fédération française d'athlétisme (FFA).

Les rassemblements auront lieu devant tous les comités départementaux et régionaux de la fédération. Ainsi, chacun pourra manifester près de chez lui et faire connaître sa colère.

En effet, après avoir signé un partenariat contre-nature (c'est le cas de le dire) avec Areva, la FFA a exclu de la sélection olympique le coureur Etienne Lespoir, coupable de "lèse-sponsor" après avoir à juste titre parlé des atteintes à l'environnement causées par l'industrie nucléaire, et donc par Areva.

La Coordination nationale antinucléaire se félicite de l'intervention courageuse de Christophe Lemeilleur qui a pris fait et cause pour son coéquipier et qui a confirmé publiquement les accusations portées contre Areva.

Il est réconfortant de constater qu'un grand champion comme Lemeilleur est aussi un citoyen engagé, conscientisé, et capable d'intervenir sur des questions de société aussi importantes que la protection de l'environnement et le respect de la démocratie. Vive Lespoir, vive Lemeilleur !

 

Peu de temps après l'envoi de ce communiqué, les médias en ligne couvrent à nouveau cette affaire qui commence à prendre une certaine ampleur :

 

Libé.fr - 13 juillet 2012, 16h38

Lemeilleur, nouveau héraut et héros des antinucléaires

Le mouvement antinucléaire ne pouvait pas laisser passer une si belle occasion : après les violentes déclarations lancées contre Areva par la star de l'athlétisme Christophe Lemeilleur, celui-ci est devenu un véritable héros pour les militants opposés à l'atome. Un héros mais aussi un héraut : quel meilleur porte-voix auraient-ils pu trouver ?

Cette irruption de Lemeilleur dans le débat est un soutien inespéré pour Etienne Lespoir, l'athlète par lequel le scandale est arrivé. Mais c'est aussi une opportunité pour la Coordination nationale antinucléaire qui annonce pour le 19 juillet des manifestations dans toute la France devant les comités locaux de la Fédération française d'athlétisme. Les dirigeants de cette fédération regrettent peut-être aujourd'hui d'avoir noué un partenariat avec le géant du nucléaire Areva : partenariat lucratif, certes, mais susceptible de troubler l'image d'un sport jusqu'alors consensuel. Or, justement, la bombe nucléaire a explosé. Reste à savoir quelles en seront les conséquences…

 

Stratégie fédérale

Le soir même, les dirigeants de la Fédération française d’athlétisme se réunissent en urgence. Le Président Salamalec expose son point de vue :

"- Heureusement, il y a demain le défilé du 14 juillet qui va occuper l'actualité. Nous pouvons espérer un tassement de l’affaire et échafauder un plan de sortie de crise : pour contenter les athlètes et faire cesser la fronde, nous réintégrons Lespoir dans l’équipe olympique.

- Mais Areva ne va pas accepter ça ! s'exclame Pignon

- Minute ! Je les ai mis dans la confidence : Lespoir sera retiré au dernier moment de la liste des inscrits au 800 mètres : une fois les Jeux commencés, alors que les premiers exploits feront déjà la Une des médias, personne ne devrait s’apercevoir de l’absence d’un obscur coureur…

- Et Lemeilleur ?

- Bien entendu, aucune sanction n’est prévue contre lui ni contre aucun autre athlète. Finalement, tous les problèmes viennent de Lespoir. C'est un activiste, un provocateur. Une fois qu'il sera écarté, tout ira bien…"

En levant la séance, Salamalec croyait bien avoir éteint l'incendie. Il ne pouvait bien sûr pas prévoir ce qui allait se passer dès le lendemain.

 

Berluskozy s'en mêle

Samedi 14 juillet 2012, treize jours avant les Jeux Olympiques.

En ce jour de fête nationale, et pour que le peuple de France puisse apprécier à sa juste valeur la récente union du Président et de sa ministre préférée, l'Elysée organise la plus fastueuse garden-party de tous les temps.

La plupart des chefs d'Etat sont présents et l'on peut même croiser sur les pelouses présidentielles un cheik saoudien, qui vient de confirmer l'achat à Areva de quatre réacteurs nucléaires.

Sachant que l'atome prétendument civil permet naturellement d'accéder au nucléaire militaire, le leader arabe a récemment déclaré : "Je m'engage à ne pas chercher à obtenir l'arme nucléaire et, quoi qu'il arrive, à ne l'utiliser qu'en dernier recours".

Cette bien curieuse promesse a néanmoins suffi à convaincre Nicolas Berluskozy que cette transaction pouvait se faire sans risquer d'aggraver la prolifération nucléaire. Business is business…

Pendant que les convives se jettent sur le buffet élyséen, le chef de l'Etat se livre à la traditionnelle interview télévisée du 14 juillet, mollement questionné par le complaisant David Pasjudas :

"David Pasjudas : Monsieur le Président, avant d'en venir aux questions purement politiques, vous avez souhaité vous exprimer par rapport à ce qui est en train de devenir une véritable affaire, à savoir la mise en cause de l'entreprise nucléaire Areva en tant que sponsor de la Fédération française d'athlétisme. Je rappelle pour les téléspectateurs qu'un provocateur a réussi à entraîner nos stars de l'athlétisme dans une cabale indigne et antipatriotique contre le fleuron de l'industrie nucléaire française…

Nicolas Berluskozy : Effectivement, vous faites bien de le rappeler David Pasjudas, ce qui se passe dans cette affaire est injustifiable et dommageable. Dommageable pour nos athlètes qui sont perturbés par cette polémique indigne dans laquelle, j'en suis convaincu, ils ont été entraînés sans s'en rendre compte.

Dommageable pour la fédération d'athlétisme dont le sponsor Areva est légitiment en colère.

Dommageable pour Areva dont l'engagement est pourtant admirable au service du sport et de la préservation de l'environnement.

Il ne faut pas que cette triste affaire vienne ternir l'image d'Areva et, le cas échéant, remettre en cause des marchés à l'exportation. Grâce à la catastrophe japonaise de Fukushima, la France peut faire croire, heu pardon, faire savoir que ses réacteurs sont sûrs et fiables. Nous essayons d'en vendre afin de donner du travail à nos usines, et voilà que des provocateurs viennent tout gâcher. Ce sont de mauvais citoyens, de mauvais français, et je vais demander au gouvernement de préparer une loi pour sanctionner durement ce genre d'acte. En attendant, ils  doivent être tenus à l'écart de nos champions.

David Pasjudas : Vous voulez parler du dénommé Etienne Lespoir, qui semble à l'origine de tous ces problèmes ?

Nicolas Berluskozy : Je ne tiens pas à citer des personnes qui ne le méritent pas. Mais j'attends de la fédération d'athlétisme qu'elle fasse le nécessaire…"

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Devant ma télévision, enfoncé dans mon fauteuil, je sens bien cette fois-ci que c'est la fin de mes espoirs olympiques. Si le Président de la République lui-même demande mon éviction, je ne vois pas ce qui pourrait désormais me sauver. J'en viens même à me demander si je ne vais pas être jeté en prison !

 

Immédiatement, les médias réagissent à la déclaration présidentielle. En attendant la publication des journaux du lendemain et du lundi, je me précipite sur le Web pour voir les premiers commentaires :

20minutes.fr

Berluskozy sélectionneur ?

"Lors de son intervention télévisée du 14 juillet, le Président n'a pas seulement évoqué les questions politiques mais s'est aussi exprimé à propos de la sélection française pour les Jeux olympiques.

Sans le nommer, le Président a clairement demandé à la fédération française d'athlétisme d'écarter le coureur de 800 mètres Etienne Lespoir qui, semble-t-il, a réussi à mobiliser certains athlètes vedettes contre leur propre sponsor, l'entreprise nucléaire Areva.

C'est bien la première fois qu'un Président de la République se transforme en sélectionneur. Faut-il s'attendre à ce qu'il compose désormais l'Equipe de France de football ou qu'il décide de la stratégie des cyclistes sur le Tour de France ?"

 

Nouvelle stratégie fédérale

Dimanche 15 juillet 2012, douze jours avant les Jeux Olympiques

En ce dimanche matin, les dirigeants de la Fédération française d’athlétisme sont à nouveau réunis en urgence. En effet, la stratégie de sortie de crise élaborée deux jours plus tôt est tombée à l'eau après les déclarations du Président de la République : ce dernier a clairement exigé que Lespoir soit sanctionné.

"- La partie s'annonce difficile, déclare Salamalec en trempant un énorme croisant dans son café. Pour contenter nos athlètes, nous avions prévu de ne pas sanctionner Lespoir, du moins pas avant les Jeux. Suite aux déclarations de Berluskozy, nous ne pouvons que l'écarter. Pignon, que vont faire les athlètes, et surtout Lemeilleur ?

- Hé bien… On peut craindre qu'ils se braquent si leur collègue Lespoir est sanctionné. Mais, a contrario, le fait que la sanction soit désormais demandée par le Président de la République lui-même, ça change la donne. D'abord, ça nous dédouane totalement : nous ne pouvons qu'obéir au Président, c'est lui qui a décidé que Lespoir serait exclu. Et puis ça va sûrement faire réfléchir les athlètes. Il y a bien un moment où ils vont se dire qu'ils risquent gâcher leurs Jeux olympiques pour un pauvre gars qui court le 800 mètres aussi vite qu'un tracteur… D'ailleurs, c'est ce que je compte leur expliquer.

- Bon, très bien. Effectivement, il est impensable de ne pas appliquer la consigne présidentielle, donc nous allons exclure Lespoir de l'équipe de France. Et nous dirons bien aux autres athlètes que c'est la volonté du Président, qu'on ne peut rien y faire et que, s'ils s'y opposent, ce sont eux qui seront alors en danger d'être exclus. Pignon, vous allez appeler Lemeilleur et ses copains, et vous leur dites bien que nous, la Fédération, nous n'y sommes pour rien. Au besoin, vous leur racontez que nous sommes vraiment attristés pour Lespoir !"

La question se pose en effet de façon cruciale : que vont faire les athlètes français sélectionnés pour les Jeux olympiques ? Vont-ils rentrer dans le rang suite à l'intervention présidentielle ? Ou bien va-t-on assister à une rébellion qui, inévitablement, sera comparée à la fameuse grève des footballeurs français lors de la coupe du monde 2010 ?

 

Flash-back sur la coupe du monde de football 2010

En juillet 2010, la Coupe du monde de football se déroule en Afrique du Sud. L'équipe de France s'est qualifiée dans la douleur pour la compétition en éliminant l'Eire de façon fort contestable, le but décisif ayant été marqué grâce à une faute grossière, une main du capitaine Henry Thierry.

Raya rame

Avant même le début de la compétition, une polémique éclate : la ministre des Sports Raya Made accuse les footballeurs français de loger dans un hôtel de trop grand luxe, chaque nuit coûtant 589 euros.

Le Canard enchaîné révèle alors que la ministre elle-même a prévu de coucher dans un hôtel 5 étoiles de Georgetown, à 667 euros la nuit. En catastrophe, le ministère des sports loue pour la belle Raya une "chambre d'hôte"… mais doit tout de même s'acquitter de la facture de l'hôtel 5 étoiles !

Insultes à la Une

Alors que l'équipe de France a déjà perdu sa première rencontre, un incident éclate à la mi-temps du second match disputé contre le Mexique. Deux jours plus tard, le quotidien l'Equipe affirme à la Une que le joueur Nick Olanelka aurait insulté le sélectionneur, le célèbre Raimondo Ménech. Le joueur est alors exclu de l'équipe de France par le Président de la Fédération, Jean-Pierre Escalité, un ancien instituteur arrivé là par inadvertance.

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Marque ou grève

Le lendemain, à Knysna, en signe de solidarité avec Olanelka, les joueurs de l'Equipe de France refusent de descendre de leur bus pour s'entraîner. Alors qu'ils n'ont marqué aucun but en deux matches, les joueurs se lancent dans une sorte de "grève", curieuse appellation pour un mouvement d'humeur mené par des millionnaires.

Ils sont alors considérés comme des enfants gâtés et se ridiculisent devant le monde entier : l'affaire est largement évoquée dans la plupart des pays ! Trois jours après cet épisode qui reste célèbre comme l'affaire du "bus de Knysna", ils sont à nouveau battus par l'Afrique du Sud et quittent piteusement la Coupe du Monde.

Nick Olanelka lourdement sanctionné

Deux mois plus tard, Nick Olanelka est exclu de l'équipe de France pour 18 matches, autant dire définitivement concernant un joueur de 31 ans, âge déjà avancé pour un sportif de haut niveau. Trois autres joueurs sont aussi sanctionnés, bien que moins lourdement.

Parmi eux se trouve Patrick Evry qui, comme Olanelka, joue au football en Angleterre, pays où vont se dérouler les Jeux olympiques de 2012. Mais, en cet été 2010, personne ne devine que se met alors en place un des éléments de "l'affaire Lespoir" qui éclatera deux ans plus tard…

 

Où l’on reparle du fameux "bus de Knysna"

Lundi 16 juillet 2012, onze jours avant les Jeux olympiques.

A la surprise générale, alors que c'est la réaction des athlètes qui est attendue, c'est cette fois-ci… le footballeur Nick Olanelka qui intervient dans l'affaire Lemeilleur-Lespoir. Interviewé par la radio RMC-info, il fait un parallèle avec son aventure sud-africaine de 2010 et apporte son soutien au champion du sprint français, le croyant menacé par une sanction.

"- RMC-infos : Nico, vous nous avez informés que vous souhaitiez aujourd’hui lancer un appel en faveur de Christophe Lemeilleur…

- Nick Olanelka : Oui, en 2010, j’ai été cloué au pilori. Comme si j’étais un gangster, j’ai été exclu de l'Equipe de France de football, en pleine Coupe du Monde. Aujourd’hui, je vois que Lemeilleur est à son tour menacé de sanctions. Alors je lance un appel à la solidarité : tous les sportifs doivent s’exprimer en faveur de Lemeilleur. En 2010, mes coéquipiers ont fait une grève pour me soutenir, et ils en ont payé lourdement les conséquences. Alors aujourd’hui, c’est à moi de faire preuve de solidarité.

- Pourtant, la situation n’est pas vraiment comparable : vous avez été sanctionné pour vous être opposés à votre sélectionneur de l’époque, Raimondo Ménech. On a parlé d’une grève de privilégiés, égoïstes, coupés du monde. Les athlètes, eux, se mobilisent sur des questions éthiques…

- Raison de plus pour les soutenir, non ?

- Effectivement, vu sous cet angle… Mais qu’allez-vous faire ?

- Les Jeux olympiques ont lieu à Londres, et c’est là que je joue au football et que je vis, de même que d'autres footballeurs français. En particulier, nous sommes plusieurs passagers du fameux "bus de Knysna". Nous sommes prêts à agir de différentes façons pour soutenir Lemeilleur.

- Mais… il apparaît que ce dernier n'est pas menacé. Le 14 juillet, le Président Berluskozy a seulement demandé qu'un provocateur soit écarté, le coureur de 800 mètres Etienne Lespoir.

- Ah bon… Eh bien, même s'il n'y a que lui qui est menacé, nous allons le soutenir de toutes nos forces. Nous allons montrer que nous ne sommes pas les égoïstes qui ont été dépeints et dénoncés. Nous allons laver l’affront de Knysna ! Comment dites-vous que s'appelle ce gars ?

- Lespoir

- Hé bien, j'aide Lespoir !"

 

La revanche de Nick Olanelka

La diffusion de cette interview est à peine terminée que se produit un incroyable emballement médiatique. L'évènement est en effet de taille, et il est multiple : les "bannis de Knysna", à commencer par Nick Olanelka, refont parler d'eux.

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Mieux : ils annoncent des actions lors des Jeux olympiques de Londres et, sans nécessairement s'en être rendu compte sur le moment, ils défient le Président de la République en s'opposant à ce que Lespoir soit sanctionné.

Toute la journée, Nick Olanelka enchaîne les interviews, terminant son marathon en direct dans le JT de 20 heures de France2 :

- Comment se fait-il que vous souteniez Lespoir alors qu'il n'est qu'un très modeste athlète ?

- Au départ, nous pensions soutenir Christophe Lemeilleur mais celui-ci semble ne pas être visé par la moindre sanction.

- Mais alors… vous vous êtes rabattus sur Lespoir par défaut ?

- Oui… Heu non : que je sache, il est qualifié pour les Jeux olympiques et fait donc partie de l'Equipe de France d'athlétisme. Puisqu'une sanction l'empêche d'aller aux Jeux, c'est donc bien un cas qui mérite notre soutien.

- Mais qu'allez-vous faire ?

- Eh bien, avec mes amis comme Patrick Evry et d'autres, nous allons manifester devant l'ambassade de France à Londres. Nous le ferons plusieurs fois par semaine jusqu'aux Jeux. S'il le faut, nous nous enchaînerons à la grille de l'ambassade. Nous serons les José Bové du sport !

- Pourquoi une telle motivation ?

- Cela fait deux ans, depuis la coupe du monde de football, que nous sommes considérés comme des égoïstes. Nous avons été traités de caïds, d'immatures, et je ne sais encore quels noms d'oiseaux. Aujourd'hui, nous avons l'opportunité de montrer que ces accusations sont infondées. Nous nous engageons bénévolement, pour soutenir un sportif sanctionné à tort comme nous l'avons été nous-mêmes.

- Vous savez de quoi est accusé Lespoir ?

- Parfaitement : il a contesté le sponsor de la Fédération d'athlétisme, Areva.

- Et vous savez ce qu'il reproche à cette entreprise ?

- Bien sûr : les risques d'accident nucléaire, la production de déchets radioactifs, la contamination de l'Afrique par les mines d'uranium.

- Vous connaissiez ces problèmes avant le déclenchement de cette affaire ?

- Honnêtement, non. Comme tout le monde, j'ai entendu dire par les publicités d'EDF et d'Areva que le nucléaire était une énergie propre. Finalement, on s'aperçoit que ce n'est pas vrai.

- Vous êtes en train de devenir des militants antinucléaires ?

- Heu… je ne sais pas, tout est allé très vite dans cette affaire. Il faudra y réfléchir. En tout cas, nous soutenons totalement Lespoir : il doit pouvoir participer aux Jeux olympiques tout en critiquant Areva s'il le veut !

- Avez-vous conscience que vous vous opposez à la sanction demandée par le Président de la république Nicolas Berluskozy ?

- Ce n'était pas notre objectif mais, puisqu'il s'est mêlé de cette affaire, c'est plutôt de sa faute.

- Certains commentateurs estiment que vous cherchez aussi à régler des comptes avec Raya Made-Berluskozy. En 2010, lors de la Coupe du monde de football, elle vous avait violemment critiqué, vous les footballeurs, pour le luxe de vos hébergements, puis pour la fameuse grève dans le bus de Knysna…

- Il est vrai que, en 2010, elle était déjà ministre des Sports et ne nous avait pas épargnés. Mais ce n'est pas notre faute si elle est toujours en poste aujourd'hui : nous nous mobilisons pour soutenir les athlètes et, après tout, elle n'a qu'à en faire autant. Elle est ministre des Sports, non ?

- Vous avez donc toujours une dent contre elle ?

- Elle a eu un comportement écoeurant. Vous venez de rappeler qu'elle avait critiqué l'hôtel de l'équipe de France, mais on avait aussi appris que son ministère lui avait réservé des chambres encore plus luxueuses. Du coup, elle était allé dormir dans une pension de famille, alors qu'il était trop tard pour annuler la première réservation : l'argent public avait donc servi à lui payer deux hébergements, dont un resté vide ! Quelle mascarade…

- Elle est désormais l'épouse du Président de la République…

- Eh bien ça m'étonnerait qu'elle aille dormir chez l'habitant maintenant…"

 

Epicier au bord de la crise de nerf

Pour ma part, j'ai dû répondre à plusieurs interviews avec des journalistes qui ont réussi à trouver mon village de banlieue, le tout entrecoupé de dizaines d'appels des autres journalistes de France et parfois même de l'étranger ! Une vraie folie. Une fois le soir venu, je constate que mon réfrigérateur est vide : je ne peux éviter une petite visite à mon cher épicier et je m'attends au pire…

"- Ha, Monsieur Lespoir, quelle affaire ! Vous vous êtes mis le Président de la République à dos. C'est la fin du monde.

- Mais non, vous avez vu, je suis défendu par des stars comme Nick Olanelka

- Mais il n'a aucune chance face au Président ! C'est mauvais pour notre affaire d'écran géant. Le maire est furieux…

- Ah oui, l'écran… Ils n'ont qu'à diffuser les matches de foot de notre équipe de village !

- Ce n'est pas bien de vous moquer comme ça Monsieur Lespoir.

- Allez, ne vous inquiétez pas, tout ça va peut-être s'arranger. A moins que l'écran géant ne soit volé par des Gitans ! Ha ha ha !

- Hum… Ceci dit, vos aventures nous amènent de la clientèle : il y a au moins dix personnes qui m'ont demandé où vous trouver. Des journalistes, facile à deviner avec leurs micros en bandoulière ou leurs calepins à la main. Du coup, j'ai vendu des tas de sandwiches !

- Eh, vous allez bien me reverser la moitié de vos profits ! Mais non, rassurez-vous je plaisante…

 

Emballement médiatique

Le lendemain, mardi 17 juillet 2012, dix jours avant les Jeux olympiques.

Après les évènements de la veille, je m'attends à ce que la situation rebondisse à nouveau et, pour commencer, je me rends chez le marchand de journaux. La presse met à nouveau l'affaire à la Une :

 

Le Figaro : "Nick Olanelka défend Lespoir et attaque Raya Made-Berluskozy"

Surprise dans l'affaire qui secoue ces derniers temps la Fédération française d'athlétisme : le footballeur Nick Olanelka, célèbre pour son altercation avec Raimondo Ménech lors de la coupe du monde de football 2010, est intervenu pour soutenir les athlètes face à leur fédération et son sponsor Areva.

En effet, le sprinteur vedette Christophe Lemeilleur, ainsi qu'un anonyme coureur de 800 mètres, Etienne Lespoir, ont attaqué Areva en mettant en cause les conséquences environnementales de l'industrie nucléaire.

Nick Olanelka menace, si les athlètes sont sanctionnés, de mener des actions spectaculaires lors des Jeux olympiques qui commencent dans quelques jours à Londres… qui est justement la ville ou vit le footballeur.

Ce dernier s'en est aussi pris à la ministre des Sports et épouse du chef de l'Etat, Raya Made-Berluskozy, qui était déjà ministre des Sports lors de la Coupe du Monde de football 2010. A cette occasion, elle avait sévèrement critiqué les footballeurs de l'équipe de France.

 

L'Equipe : "Nick Olanelka sort du bus pour Lespoir"

C'est une véritable catastrophe sportive qui menace désormais la France lors des Jeux olympiques de Londres. A l'image de ce qui s'est produit lors de la coupe du monde de football 2010, la sérénité des sportifs français semble menacée par l'affaire dont on ne sait plus quel est exactement le nom : affaire Lemeilleur ? Lespoir ? Areva ? Made-Berluskozy ?

Heureusement, il est encore possible d'espérer que certains sports restent à l'écart de la confusion, comme c'est le cas à ce jour de nos nageurs, judokas, escrimeurs ou autres habituels pourvoyeurs de médailles…

 

Encore une stratégie fédérale !

Le jour même, les dirigeants de la Fédération française d’athlétisme sont - à nouveau ! - réunis en urgence, ce qui devient désormais une habitude. Il est vrai que deux problèmes graves se posent.

D'une part, il s'agit de sanctionner Lespoir… tout en sachant que des footballeurs vedettes sont prêts à agir pour le soutenir. D'autre part, des manifestations antinucléaires sont prévues pour le lendemain dans toute la France devant les comités départementaux ou régionaux.

"- Mes chers collègues, commence le président Salamalec, nous sommes dans de beaux draps. Samedi, lors de son interview du 14 juillet, le Président de la République a clairement demandé à ce que nous écartions Lespoir de la sélection pour les Jeux olympiques. Or, depuis, vous avez vu que des footballeurs sont montés au créneau pour s'opposer à cette sanction.

- Mais de quoi se mêlent-ils ces idiots ? s'exclame Pignon.

- Du calme, continue Salamalec. De toute façon, nous n'avons pas le choix : la décision de Président doit être mise en œuvre. Donc, je vous propose d'exclure Lespoir de la sélection. Qui est contre ?

- …

- Bien, voilà une bonne chose de faite.

- Mais… il y a les manifestations antinucléaires demain ! Nous devrions attendre avant d'annoncer l'exclusion de Lespoir.

- C'est aussi ce que j'ai pensé dans un premier temps. Mais si nous annonçons cette sanction dans quelques jours, on peut parier qu'il y aura d'autres manifestations contre nous. Au contraire, si nous annonçons l'exclusion tout de suite, les antinucléaires auront deux bonnes raisons de crier… mais ils ne crieront pas deux fois plus fort. Ils se défouleront et puis voilà tout. Avec un peu de chance, ça se calmera ensuite…

- Et pour les footballeurs ? Olanelka et ses amis veulent manifester à Londres devant l'ambassade de France !

- Eh bien, ce n'est pas nous qui pouvons nous occuper de ça. Chacun son travail. Je vais informer Madame Made-Berluskozy que nous avons suspendu Lespoir, comme l'a exigé son mari. A eux de gérer la suite…"

 

Un communiqué de presse est aussitôt rédigé et diffusé dans les médias :

 

Fédération française d'athlétisme - Communiqué du 17 juillet 2012

A la demande de l'Elysée, la Fédération française d'athlétisme écarte Etienne Lespoir de la sélection pour les JO

Ayant pris connaissance des demandes formulées par le Président de la République lors de son intervention du 14 juillet 2012, la Fédération française d'athlétisme met bien entendu en œuvre les consignes présidentielles et écarte M. Etienne Lespoir de la sélection pour Londres. La Fédération appelle désormais chacune et chacun à tourner la page de cette affaire regrettable et espère que tous les athlètes seront dans les meilleures dispositions pour réussir brillamment lors des Jeux olympiques.

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Suspendu à un (coup de) fil

Le téléphone sonne chez moi. Depuis l'intervention présidentielle du 14 juillet, je m'attends à tout. Cette fois-ci, ce n'est pas une demande d'interview, c'est Jean Pignon au bout du fil.

"- Lespoir, je suis vraiment désolé mais, cette fois-ci, c'est fini. Par la volonté du Président de la République, nous sommes contraints de vous retirer définitivement de la sélection pour les Jeux olympiques.

- Vous m'avez l'air un peu trop désolé pour que je vous croie sincère. Cette décision présidentielle doit sacrément vous soulager…

- Mais pas du tout mon cher. Au contraire, nous avons été enchantés de voir que nos athlètes étaient des citoyens concernés et solidaires. Je me demande néanmoins comment Lemeilleur a pu entrer en contact avec vous mais, croyez-moi, nous avions décidé de respecter cette solidarité et de ne sanctionner personne. Hélas, cette affaire est arrivée jusqu'au sommet de l'Etat… Et là nous n'y pouvons plus rien.

- Ben voyons…

- J'espère que vous n'allez pas en profiter pour attaquer la fédération, votre fédération. Vous ne comptez quand même pas nuire à l'athlétisme, n'est-ce pas ?

- A l'athlétisme non. Mais à Areva oui. Et à ceux qui s'acoquinent avec un tel sponsor, oui aussi .Et pas plus tard qu'après-demain : je manifesterai à Bordeaux devant le comité régional d'Athlétisme. D'ailleurs, je ne risque plus rien puisque je suis d'ores et déjà exclu des Jeux olympiques…"

 

Aussitôt, je téléphone à mon pote antinucléaire Patrick.

"- Eh bien voilà, suite à la déclaration de Berluskozy le 14 juillet, je suis définitivement exclu des Jeux olympiques. La fédération vient de me le signifier à l'instant

- Bon, ne te décourage pas, il n'y a jamais rien de définitif. Nous allons contre-attaquer. Déjà, il y a les manifestations après-demain. Tu vas bien à celle de Bordeaux, hein ?

- C'est ce que je pensais faire. Mais je suis tellement déçu de ne plus aller aux JO que je me demande si je ne ferais pas mieux de rester chez moi…

- Surtout pas ! Nous allons mettre le paquet sur Bordeaux, en particulier sur le plan de la communication. Nous allons annoncer que tu seras à cette manif, il est probable que les médias se déplaceront. Il faut absolument que tu y sois pour répondre aux interviews. Tu ne t'appartiens plus, tu es en mission citoyenne ! Avec les footballeurs qui se mobilisent pour toi à Londres, tu ne peux plus reculer. Ça va faire du bruit. Comme dit le proverbe, il ne faut jamais vendre la peau de l'ours avant d'avoir franchi la ligne, mais quelque chose me dit que tu seras aux JO de Londres !

- Si tu le dis…

- Dans l'immédiat, je prépare un communiqué de presse pour faire savoir que tu es exclu à la demande de Berluskozy. Ça va intéresser toutes les associations antinucléaires… et les anti-berluskozystes : il y aura du monde dans les manifs !"

 

Quelques instants plus tard, le communiqué est rédigé et arrive sur les fax des principaux médias.

 

Coordination nationale antinucléaire - Communiqué du mardi 17 juillet 2012

L'athlète Etienne Lespoir exclu des Jeux olympiques !
Les citoyens doivent se mobiliser contre cette sanction injuste dictée par le lobby nucléaire

La Coordination nationale antinucléaire apprend que l'athlète Etienne Lespoir a été exclu aujourd'hui par la Fédération française d'athlétisme des Jeux olympiques de Londres pour lesquels il s'était pourtant régulièrement qualifié. Cette sanction a été prise à la demande du Président de la République qui se permet donc d'intervenir dans les questions sportives.

Chacun aura noté lors de l'intervention présidentielle du 14 juillet que c'est pour soutenir la multinationale radioactive Areva que M. Berluskozy est ainsi monté au créneau, démontrant une nouvelle fois que le nucléaire et la démocratie ne font pas bon ménage.

La Coordination se félicite par contre de l'intervention dans cette affaire de différents sportifs, athlètes et footballeurs en particulier, qui font preuve de solidarité avec Lespoir, mais qui semblent aussi prendre conscience des ravages causés par l'industrie nucléaire.

La Coordination rappelle que les citoyens sont invités à manifester partout en France, devant les comités départementaux et régionaux de la fédération française d'athlétisme, jeudi 19 juillet à 18h. Ces rassemblements sont organisés en soutien aux athlètes Etienne Lespoir et Christophe Lemeilleur et contre la multinationale atomique Areva, sponsor de la Fédération française d'athlétisme. Etienne Lespoir doit absolument être réintégré dans la sélection française pour les Jeux olympiques.

 

Les autres sports… contaminés ?

Le quotidien sportif l'Equipe est le premier à prendre conscience des dangers qui menacent la réussite des Français lors des Jeux olympiques. :

Lequipe.fr - Mardi 17 juillet 2012

"Il est désormais à craindre que les athlètes ne soient pas les seuls sportifs à être déstabilisés par l'affaire Lespoir-Areva. D'une part, il est probable que les représentants des autres sports vont être sollicités par les médias qui voudront connaître leur sentiment sur la fameuse affaire.

Mais, d'autre part, on peut aussi craindre une certaine contagion, pour ne pas dire contamination dans le contexte de l'après Fukushima : puisque le sponsor de l'athlétisme, Areva, est contesté du fait des dommages environnementaux causés par l'industrie nucléaire, on peut craindre désormais la même chose concernant EDF qui exploite de nombreuses centrales nucléaires et… qui parraine les sports d'eau comme la natation et le canoë-kayak… A partir de là, chaque sport, voire chaque sportif, est susceptible d'être déstabilisé en fonction des activités de son ou ses sponsors. Dès demain, vous pourrez d'ailleurs lire dans l'Equipe les réactions des principaux sportifs français."

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Réactions sportives diverses

Mercredi 18 juillet 2012, neuf jours avant les Jeux olympiques.

Tout en faisant mine de craindre que les différents sportifs français ne soient déstabilisés par l'affaire Lespoir, L'Equipe s'est dépêchée de contacter différents champions ou anciens champions pour avoir leur avis, au risque d'envenimer la situation… ce qui ne pourrait que doper les ventes du quotidien sportif.

 

L'Equipe - Edition du 18 juillet 2012

L'affaire Lespoir va-t-elle déstabiliser le sport français juste avant les Jeux olympiques ?

L'Equipe a demandé à plusieurs champions ou ex-champions français de donner leur avis sur l'affaire Lespoir et sur les risques de déstabilisation des sportifs dont les performances pourraient pâtir de cette affaire. Chacun est aussi questionné sur son ou ses propres sponsors : les sportifs font-ils passer leur éthique avant les retombées financières ?

Jean Gueulfor (ancien champion de saut à la perche) : "Je dénonce les provocations de ce Lespoir. Nous, les sportifs, avons besoin de sponsors, et en particulier de ceux qui peuvent nous faire de gros chèques. C'est absolument stupide et inutile de se poser des questions morales et éthiques, nous ne sommes pas là pour penser mais pour faire ce qu'on nous dit. D'ailleurs, je suis moi-même payé par Areva et je m'en porte très bien. C'est une bonne chose que Lespoir soit exclu des Jeux, et c'est la meilleurs façon pour que personne ne soit perturbé : ni les sportifs, ni les sponsors."

Yann Iknoa (ancien champion de tennis) : "Comme je le dis avec mes chansons, il faut protéger la planète. Le nucléaire, ça produit des déchets radioactifs très dangereux, et puis il y a les mines d'uranium qui contaminent l'environnement, en particulier en Afrique, là où sont mes racines. Donc Lespoir a raison, et c'est une honte qu'il soit exclu. Je vais faire une chanson pour lui ! Ca me regarde, ça nous regarde tous !"

Claudio Nesta (entraîneur de l'équipe de France de handball) : "Je ne peux m'exprimer à la place des joueurs mais, personnellement, je soutiens totalement Etienne Lespoir. Il a parfaitement le droit de donner son avis sur Areva, avis fort pertinent d'ailleurs. S'il est réellement exclu des Jeux, je proposerai à mon équipe de jouer avec un signe distinctif, par exemple un brassard noir : exclure un sportif sous prétexte qu'il a une opinion, c'est tuer le sport ! Il n'y a pour les handballeurs aucun risque de déstabilisation, au contraire, cela ne peut que nous donner une motivation supplémentaire."

Sébastien Lobe (Rallies automobiles) : "Personnellement, je suis sponsorisé par une marque de boisson dite énergisante, Raide boule : ça ne pollue que l'intérieur de l'organisme, et encore, seulement chez ceux qui en boivent. Quant à ma voiture, elle fonctionne avec de l'essence et n'utilise donc pas le nucléaire. De fait, je n'ai pas d'avis sur l'affaire Lespoir. Par contre, vous devriez interroger mon collègue Alain Proust : ces derniers temps, il fait des courses en voitures électriques : en France, l'électricité est à 80% nucléaire, donc Alain est directement contaminé, heu, concerné…"

Alain Proust (ancien champion de formule 1) : "En course automobile, on est toujours à la recherche du temps perdu : le moindre centième de seconde est crucial. Il faut donc beaucoup d'argent pour que tout soit au point, c'est pourquoi nous sommes heureux de compter sur des sponsors très riches. Il est hors de question de les enquiquiner avec des histoires d'écologistes. Il est exact que je participe désormais à des courses de voitures électriques. Vous me dites que ces véhicules sont rechargés par des centrales nucléaires, je peux vous assurer que c'est faux : j'ai vérifié moi-même, nos batteries sont rechargées en se branchant sur le mur."

Jean-Guy Chassin (Président de la fédération française de tennis) : "Le tennis est sponsorisé de très longue date par la Banque nationale des profits. Il n'y a donc là rien à redire : personne ne peut croire qu'une banque n'est pas un établissement aux valeurs humaines et éthiques. Vous m'apprenez que, selon les antinucléaires, cette banque financerait la construction de centrales nucléaires à l'étranger. Eh bien il faut la féliciter puisque le danger atomique est pour les autres pays, pas pour la France. De plus, les champions de tennis sont irréprochables : plus ils touchent d'argent, moins il en reste pour financer le nucléaire. Logique non ?"

Bernard Alain (Natation) : "Il faut bien faire la différence entre les activités atomiques d'Areva, qui sont effectivement polluantes, et celles de mon sponsor EDF, qui respecte parfaitement la nature. Les usines nucléaires d'Areva sont dangereuses, mais pas celles d'EDF. N'oubliez pas que, avant d'être nageur, je suis gendarme : je sais reconnaître les délinquants. Donc, finalement, Lespoir a raison de critiquer Areva, mais il a tort de ne pas obéir à ses chefs, les dirigeants de la Fédération d'athlétisme. Mais tout ça ne me perturbera pas : grâce à EDF, je suis parfaitement serein."

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EDF et les sports d'eau

Le positionnement de Bernard Alain n'est pas très surprenant. En effet, depuis plusieurs années, par une communication omniprésente et en particulier en sponsorisant des nageurs vedettes, EDF tente d'imposer l'idée que ses activités seraient écologiques :

"A l'origine d'une énergie peu émettrice de CO2, l'eau est au cœur du métier d'énergéticien d'EDF. C'est pourquoi nous avons choisi de promouvoir les sports d'eau, disciplines olympiques par excellence, qui exigent à la fois énergie et combativité, mais également courage et abnégation."

Pour les communicants d'EDF, la natation est une activité naturelle qui évoque la liberté et la pureté, lesquelles sont donc convoquées pour donner une bonne image à la production électrique d'EDF, mettant en avant la production hydroélectrique… en oubliant que 80% du courant français provient des centrales nucléaires.

Or, même si c'est fort peu connu, les nuisances des centrales nucléaires ne se limitent pas seulement à la production de déchets radioactifs : elles rejettent dans les rivières de grandes quantités d'eau chaude, ce qui détruit la faune et la flore, mais aussi des produits radioactifs et chimiques fort polluants : acide borique, zinc, phosphore, sulfates, sodium, chlorures, morpholine, cuivre, etc.

 

Phil Liplucas, "Et puis c'est tout !"

Dès la parution de l'Equipe, l'affaire s'emballe à nouveau. Toujours à l'affût de "bons clients", c'est-à-dire de personnages connus pour répondre aux interviews de façon percutante, les médias sollicitent naturellement Phil Liplucas pour connaître son avis sur l'affaire Areva/Lespoir mais aussi sur la question du parrainage des nageurs par EDF.

L'idée est d'autant plus croustillante que l'ancien entraîneur de la star Laura Naudou fait des publicités pour Energie directe, un concurrent d'EDF né de la libéralisation du marché de l'électricité. La chaîne d'information ITV obtient la première interview.

ITV : Phil Liplucas, quelle est votre opinion sur l'affaire de cet athlète qui s'oppose à Areva, le sponsor de sa propre fédération ?

Phil Liplucas : Honnêtement, je suis sidéré par l'importance donnée à ce pauvre garçon dans cette affaire. Si encore c'était un crack, ça se comprendrait, mais il apparaît que c'est un nul. Et en plus, il crache dans la soupe !

ITV : Mais il est soutenu par les meilleurs athlètes…

Phil Liplucas : Ils feraient mieux de s'entraîner au lieu de se laisser entraîner !

ITV : Vous voulez dire que vous donnez raison au sponsor face à la protestation des athlètes qui mettent en avant des raisons éthiques ?

Phil Liplucas : Ethique et toc, n'importe quoi. La seule éthique qui compte, c'est celle du chèque qui vous arrive à la fin du mois. Et puis c'est tout !

ITV : Les athlètes protestent contre les pollutions radioactives causées par le sponsor en question, Areva. Mais EDF, qui exploite 58 réacteurs nucléaires en France, est donc tout aussi concerné. Or EDF sponsorise la natation. Ne craignez-vous pas que le mouvement des athlètes touche aussi les nageurs et que ces derniers s'attaquent à EDF ?

Phil Liplucas : Moi, je ne crains rien puisque je ne suis pas avec EDF mais avec Energie directe.

ITV : Certes, mais l'activité principale de Energie directe consiste à revendre de l'électricité nucléaire achetée à EDF. N'êtes-vous donc pas concerné par les pollutions radioactives et les déchets nucléaires ?

Phil Liplucas : J'en n'ai rien à faire ! Et je peux vous dire qu'il n'y aura aucun de mes nageurs qui s'amusera à parler des ces conneries. Sinon, il dégage et puis c'est tout !

ITV : Et si d'autres nageurs que les vôtres soutiennent Lespoir ou contestent EDF, que se passera-t-il ?

Phil Liplucas : tant qu'il ne s'agit pas de mes nageurs, je m'en fous. Au contraire, si les autres se déconcentrent avec ces histoires d'écolos bidons, tant mieux…

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Laura Naudou, Bernard Alain et Tommy Atangué interpellés

Jeudi 19 juillet 2012. Huit jours avant les Jeux olympiques.

18h. Dans toute la France, devant chaque comité régional ou départemental, des militants antinucléaires sont rassemblés pour soutenir Lespoir et contester le sponsoring de l'athlétisme par Areva. Mais, comme le craignait l'Equipe, l'affaire fait tâche d'huile : en effet, les manifestants ne mettent pas seulement en cause Areva, mais aussi EDF.

Ils interpellent les nageurs ou le champion de canoë Tommy Atangué qui dévale victorieusement depuis des années les rivières françaises… dont beaucoup sont hélas polluées par les rejets des centrales nucléaires.

Ainsi, des manifestants brandissent des pancartes sur lesquelles on peut lire "Bernard Alain, que penses-tu des déchets nucléaires ?" ou "Laura Naudou, arrête la nage atomique" ou "Tommy Atangué, que dis-tu des rejets radioactifs dans les rivières ?", ou encore "Phil Liplucas, tais-toi (enfin) et pis c'est tout !"

Les médias locaux sont mobilisés et, dans chaque région, les antennes de France 3 et de France bleu relaient les mobilisations. Et les quotidiens régionaux préparent pour le lendemain des articles accompagnés de photos des manifestants devant les locaux des comités d'athlétisme.

Je participe logiquement à la manifestation de Bordeaux. Comme prévu, les médias sont particulièrement nombreux et je passe une bonne heure à répondre à de multiples interviews.

Par contre, le Comité départemental de la Fédération française d'athlétisme reste désespérément fermé. Les horaires affichés à l'extérieur annoncent pourtant que les locaux sont ouverts le soir jusqu'à 18h30 mais, en arrivant, les premiers manifestants ont trouvé porte close dès 17h45.

Il faut croire que les instances de l'athlétisme n'ont pas le courage de défendre publiquement leur si précieux sponsor. Par contre, les CRS sont présents en grand nombre, protégeant le local administratif comme s'il s'agissait de la Banque de France. Et comme si les antinucléaires étaient de dangereux terroristes…

 

Laura Naudou entre Areva et Arena

Après avoir arrêté pendant quelques mois sa brillante carrière en 2009, Laura Naudou a décidé de revenir à la compétition et prépare les Jeux olympiques. Ce retour dans les bassins a été l'occasion de renouer avec son sponsor historique, le fabriquant de maillots de bain Arena, dont le nom ne diffère que très légèrement de celui de l'entreprise nucléaire Areva… entraînant quelques confusions chez la nageuse.

Après les premières interviews par l'Equipe de stars du sport français, les médias veulent avoir l'avis de la star de la natation française sur l'affaire Lespoir. Elle est par exemple interrogée par la chaîne BMFTV à laquelle elle répond négligemment tout en envoyant des SMS à son nouveau petit ami.

BMFTV : Laura, avez-vous suivi l'affaire qui oppose certains athlètes à leur sponsor Areva ?

Laura Naudou : Heu… je ne savais pas que mon sponsor parrainait aussi des athlètes, et je me demande d'ailleurs si c'est bien pratique de courir ou de sauter en longueur en maillot de bain…

BMFTV : Hum… En fait, ces sportifs s'inquiètent à causes des déchets nucléaires et des contaminations radioactives comme les fuites d'uranium…

Laura Naudou : Vous savez, je prends tous les jours des ampoules d'uranium pour être en pleine forme, alors pas de quoi s'inquiéter !

BMFTV : … Vous voulez sûrement parler de magnésium, non ?

Laura Naudou : Ah, peut-être. En tout cas, ça n'a rien à voir avec les maillots de bain, donc les athlètes feraient mieux de laisser leur sponsor tranquille.

BMFTV : Vous voulez dire que vous condamnez la fronde des athlètes ? Jusqu'à présent, les sportifs interrogés l'ont plutôt soutenue, par exemple les footballeurs. Vous êtes donc pour l'exclusion de Lespoir, comme demandé par le Président Berluskozy ?

Laura Naudou : Le Président a raison, il faut éviter les polémiques si on veut avoir des chances de médailles. Ceci dit, l'uranium n'est en aucun cas un produit dopant, il faut donc que chacun s'entraîne normalement sans faire de problème.

BMFTV : …

 

Avec Laura Naudou, Lespoir s'amenuise…

Quelques instants plus tard, l'AFP émet une dépêche reprenant l'essentiel des déclarations de la nageuse :

Jeux olympiques : Laura Naudou soutient la sanction contre Lespoir

AFP - 19 juillet 2012 - C'est un véritable coup dur pour l'athlète Etienne Lespoir, menacé d'être écarté des Jeux olympiques à la demande du Président de la République Nicolas Berluskozy. Accusé de nuire au sponsor de l'athlétisme, l'entreprise nucléaire Areva, Lespoir avait jusqu'alors reçu le soutien de sportifs de renom comme l'athlète Lemeilleur et le footballeur Olanelka. Interrogée par la chaîne de télévision BMFTV, la nageuse vedette Laura Naudou a rompu la solidarité des sportifs en prenant position pour l'exclusion de Lespoir.

 

Comme je suis encore sur le chemin du retour, après avoir manifesté, je n'ai pas encore pris connaissance de ce nouveau rebondissement mais, au moment même où j'entre chez moi, le téléphone sonne. C'est mon pote antinucléaire qui m'appelle.

"- Etienne, t'es au courant ? Laura Naudou a pris position en faveur de ton exclusion.

- Ah ben ça alors ! De quoi se mêle-t-elle celle-là ?

- Figure-toi que, à la télé, elle a confondu Areva avec Arena, et l'uranium avec le magnésium. Quelle cruche !

- Comme dit le proverbe, "Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse" !

- Ha ha ! Hélas, elle se prépare pour les Jeux olympiques, elle n'a donc aucune raison de partir…

- En tout cas ce n'est pas une bonne nouvelle. Malgré la prise de position des footballeurs, les manifs, la médiatisation, je crains que ma participation aux JO ne soit définitivement enterrée…"

 

Le contre-espionnage entre dans la danse !

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A peine ai-je raccroché que la porte de mon appartement s'ouvre brutalement. Une horde de gros bras pénètre à l'intérieur en courant et en hurlant "Police ! Ne bougez-pas !". Voilà l'illustration la plus parfaite de ce que l'on appelle "l'insécurité" : si vous ne vivez pas avec votre porte fermée à clé, la police entre ! Et en trombe s'il vous plait ! Encore faut-il que ce soit réellement la police : peut-être suis-je attaqué par des actionnaires de sociétés de l'industrie nucléaire ?

Alors que je suis cerné au beau milieu de mon salon, j'aperçois par la fenêtre d'autres hommes, portant des brassards : ma maison est encerclée, les toits sont occupés… je ne risque pas de fuir. Une femme bottée, et au regard sévère, s'avance et s'adresse à moi :

"-Monsieur Lespoir, je suis Nolwenn Martin, commandant de police, et plus exactement officier de la DCRI !

- Dérogation pour Crier et Rentrer Impunément ?

- Direction Centrale du Renseignement Intérieur. Anciennement la Direction de surveillance du territoire, la DST.

- Enchanté madame Nolwenn. Vous cherchez quelque chose, ou quelqu'un ?

- Ne faites pas le malin, vous êtes dans de sales draps. D'ailleurs, je vous informe qu'a compter de maintenant, jeudi 19 juillet, 20 heures 30, vous êtes placé en garde à vue.

- Eh bien, vous n'avez pas de vraies affaires à traiter ?

- Allons allons, vous savez bien que votre dossier est de la plus grande importance. Vous mettez en péril l'industrie nucléaire française et, autant vous le dire tout de suite, nous vous soupçonnons d'être à la solde d'une puissance étrangère ou alors du lobby pétrolier…

- Sans blague ! Et quand vous avez une intuition aussi lumineuse, vous avez le droit de vous précipiter chez les coupables présumés pour les arrêter ?

- Pas du tout : nous sommes sous la responsabilité du parquet de Paris, section antiterroriste, que nous avons saisi depuis fin juin, dès que vous avez battu le minimum olympique.

- Incroyable : dès ce moment là vous avez imaginé que j'étais un espion ? Vous surveillez donc tous les sportifs de France ?

- Non, tous les gens qui s'approchent de près ou de loin du nucléaire. Or, fin juin, nous savions déjà qu'Areva allait sponsoriser l'athlétisme, et voilà subitement qu'un inconnu se qualifie pour les Jeux…

- Lumineux ! La France est bien protégée avec vous.

- Ne plaisantez pas, votre compte est bon : nos soupçons ont été confirmés lors de votre esclandre du 7 juillet, lors des championnats de France : en mettant en cause Areva devant des millions de téléspectateurs, vous avez commencé votre travail de sape de l'industrie nucléaire…

- Mais alors, pourquoi ne pas m'avoir arrêté tout de suite ?

- Nous savons que vous, les antinucléaires, êtes d'habiles communicants : rien de plus facile pour vous de mettre l'opinion publique de votre côté, en prétendant à une arrestation "liberticide"…

- Nous pouvons aussi bien le faire maintenant…

- Oui mais le contexte nous est favorable : Laura Naudou a pris position contre vous, les manifestations pour vous soutenir sont passées et, au cœur de l'été, vous aurez du mal à mobiliser à nouveau…

 

De Cargèse à Tarnac… en Renault

Je réfléchis rapidement : je pourrais tenter de m'échapper et, tel Yvan Colonna, le berger de Cargèse, clamer mon innocence depuis le maquis. Mais il n'y a pas de maquis près de Bordeaux ! Et puis, avec tous ces policiers autour de moi, je ne vois pas comment me faire la belle…

Autre hypothèse, je pourrais espérer que les accusations absurdes portées contre moi s'effondrent rapidement, comme ce fut le cas début 2011 lorsque trois cadres de Renault furent mis à pied, traînés dans la boue, accusés d'espionnage industriel… avant que le constructeur automobile reconnaisse n'avoir contre eux qu'une minable lettre de délation sans la moindre preuve.

Finalement, il m'apparaît que c'est plutôt le syndrome de Tarnac qui me menace : fin 2008, un groupe de jeunes, vivant dans ce village de Corrèze est arrêté par la police antiterroriste. Contre eux, une fumeuse accusation d' "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". Là aussi, aucune preuve mais contrairement aux cadres de chez Renault, rapidement innocentés, les accusés de Tarnac ont été emprisonnés, l'un d'entre eux restant pas moins de six mois en détention ! J'espère que la même chose ne va pas m'arriver…

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Dialogue et ironie

J'essaie alors de savoir à quelle sauce je vais être mangé.

"- Dites-moi, madame Nolwenn, il me semble que j'ai encore quelques droits…

- Tout à fait, j'allais y venir : vous pouvez voir un médecin et un avocat. Et vous pouvez passer un coup de téléphone. Vous voulez appeler votre compagne ?

- Pour des spécialistes du renseignement, vous êtes mal informés : je suis célibataire depuis deux ans. Je pourrais appeler ma maman mais ça va l'inquiéter. Et je n'ai pas besoin de médecin puisque vous n'avez pas commencé à m'interroger…

- C'est malin…

- Par contre, je veux bien voir un avocat, mais je n'en connais pas : je ne suis pas un habitué des tribunaux !

- Vous pouvez en choisir un dans la liste que voici, il sera donc commis d'office. Ceci dit, il faudra sûrement en trouver vite un autre puisque, après perquisition de votre appartement, nous vous embarquons pour le siège de la DCRI, à Levallois-Perret.

- Quelle joie : la capitale de la vidéosurveillance ! Dirigée par ces chers époux Balclaniks…

- Eh bien, que vous leur reprochez-vous ?

- Oh, trois fois rien. Entre autres exploits, ils ont été condamnés pour avoir fait entretenir leurs résidences pendant dix ans par des employés municipaux : il faut bien que l'argent public serve à quelque chose, non ? En tout cas, vous devez être rassurés de travailler dans une ville truffée de caméras…

- Vous maniez bien l'ironie monsieur Lespoir, mais rira bien qui rira le dernier…

- Pari tenu !

Pendant que les limiers de la DCRI passent mon appartement au peigne fin, à la recherche de je ne sais quelles "preuves", je prépare à la hâte quelques affaires pour mon joli voyage au pays de la vidéosurveillance…

 

Avocate débutante

Les policiers m'informent que l'avocat de permanence est arrivé. C'est en fait une jeune femme à l'allure d'étudiante. Pour respecter la loi, on nous isole dans le salon, des policiers restant néanmoins le nez collé aux vitres : pour intervenir d'urgence au cas où j'étranglerais cette juvénile avocate, ou alors s'il me prenait l'envie de me trancher la gorge. Il est vrai que, dans les romans, les espions démasqués se suicident, mais je ne suis pas espion, je ne possède pas de capsule de cyanure et, même si c'était le cas, je n'aurais aucune intention d'en faire usage !

Ma petite avocate s'adresse à moi :

"- Monsieur Lespoir, je dois vous dire que je suis débutante…

- Pas de problème, je vous fais parfaitement confiance !

- Je crains que vous ne soyez dans de sales draps.

- Ecoutez, moi je suis tranquille, je n'ai rien à me reprocher. Par contre j'ai besoin de vous… La meilleure façon pour que je ne sois pas trop embêté, c'est que les médias soient informés au plus vite de ce que je suis en garde à vue. En sortant d'ici, il faudrait que vous appeliez l'AFP et la Coordination nationale antinucléaire pour les informer de ce qui se passe et de mon transfert à Levallois-Perret…

- Comptez sur moi ! Je vais contacter aussi un de mes collègues basé en région parisienne, près de Levallois-Perret : voici ses coordonnées, vous pouvez lui faire confiance…

Elle me quitte toute apeurée, me regardant comme si j'allais partir pour l'échafaud…

 

Vers le pays de la vidéo-surveillance !

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Madame Nolwenn s'adresse à moi.

"- Monsieur Lespoir, comme je vous l'ai annoncé, nous allons vous emmener avec nous à Levallois-Perret.

- On dine chez les Balclaniks ?

- Non. Au programme, interrogatoire serré. Je suis sûre que vous avez des choses à nous raconter…

- Oui, tout à fait : la tactique à suivre lors d'un huit-cents mètres, les entretiens au Pôle emploi…

- Et les Chinois ?

- Ah voilà, c'est donc pour la Chine que je travaille ! Heureux de l'apprendre…

- Bon, on verra ça à Levallois, en route pour la gare. Nous ne vous mettons pas les menottes, mais attention, pas de blague…

Et c'est effectivement sous haute "protection" que je suis conduit à la gare de Bordeaux où nous montons dans un TGV bondé dont un compartiment entier, situé en bout de train, a été réservé pour mon "exfiltration".

Pendant les trois heures de trajet, les policiers se relaient pour éconduire les voyageurs qui croient pouvoir enfin trouver un siège libre dans "mon" compartiment. Toute la soirée, j'entends "Désolé, police, compartiment réservé", et j'essuie les regards des curieux : j'ai l'étrange sentiment qu'ils approuvent naturellement mon statut de prisonnier. Pourtant, moi, je trouve que ce sont mes gardiens qui ont des têtes de coupables…

Arrivé en gare de Paris-Montparnasse, une escorte nous attend, je suis transféré sous très haute surveillance au siège de la DCRI. Il est alors près de minuit.

Je suis d'abord fouillé de la tête aux pieds et délesté de tout objet - ceinture, lacets, etc. - qui pourrait me permettre de me suicider. C'est décidément une obsession de leur part !

 

Nuit agitée

Je suis alors placé un moment en cellule, avant d'en être extrait pour être questionné, puis replacé en cellule, et ainsi de suite tout au long de la nuit. Je comprends vite l'objectif : m'amener à l'épuisement pour que, au petit matin, tel la chèvre de monsieur Seguin, je finisse par rendre les armes, c'est-à-dire avouer. Mais avouer quoi ?

Les premières questions sont anodines : je dois décliner nom, prénom, âge, profession, etc. Puis l'interrogatoire se fait plus serré : "Comment êtes-vous parvenu à battre le minimum olympique ? Dopage ? Entrainement secret dans un pays étranger ?" Je tente vainement de donner la vraie version, mais mes questionneurs la rejettent en bloc.

Comme dans les films, les bonnes vieilles méthodes sont utilisées. Par exemple, je suis alternativement interrogé par un "gentil" et par une personne beaucoup moins commode. On me fait même un coup d'intox lorsque, subitement, un gros musclé se lève et me hurle au visage : "Nous pensions avoir affaire à un militant courageux mais en fait vous n'êtes qu'un lâche, incapable d'assumer ses actes !"

Ce à quoi, gardant mon calme, je réponds "Ca veut dire qu'on est courageux quand on avoue, et qu'on est lâche quand on résiste à l'interrogatoire : curieuse votre façon de voir les choses".

Madame Nolwenn saute sur l'occasion : "Vous vous êtes trahi : en expliquant que vous êtes courageux en n'avouant pas, vous reconnaissez de fait que vous avez des choses à avouer ! Allez monsieur Lespoir, dites-nous tout !"

 

Vive la Chine

Epuisé par une nuit d'interrogatoire, je décide de me venger en menant les policiers en bateau :

"- Bon, ok, je le reconnais, je travaille pour la Chine.

- Ah, la Chine, c'était sûr !

- Eh oui, il faut des moyens pour monter une telle opération. Par exemple, ils ont truqué le système de chronométrage pour que je puisse battre le minimum olympique.

- Stupéfiant ! Ca explique tout !

- Eh non, désolé : ça n'explique pas pourquoi ce jour là mes adversaires sont arrivés avec dix secondes de retard sur moi. Je suppose qu'ils étaient corrompus par les Chinois pour ne pas courir trop vite et ainsi crédibiliser mon exploit : vous devriez les arrêter tous !

Je constate un certain trouble chez mes chers contre-espions. Ils tentent de se rabattre sur un autre aspect, le mobile du "crime".

"- Monsieur Lespoir, pourquoi attaquez vous le nucléaire français au profit des Chinois ?

- Eh bien, parce que je suis antinucléaire

- Mais les Chinois aussi font des réacteurs nucléaires !

- Ah oui, c'est vrai ce que vous dites. Mon mobile ne tient pas…

- C'est ce que j'allais vous dire…

- Peut-être finalement que… je suis innocent ?

- Ha non, ce n'est pas possible, ça !

- Bon, ok, mais il va bien falloir que vous trouviez des preuves…"

 

Médiatisation bienvenue

Pendant qu'Etienne Lespoir est interrogé par la DCRI, les médias s'activent. Avertie par la jeune avocate, l'AFP a publié en fin d'après-midi une dépêche qui fait du bruit :

 

AFP - vendredi 20 juillet 2012

A une semaine des JO, l'athlète Lespoir arrêté par le contre-espionnage (DCRI)

L'athlète Etienne Lespoir a été arrêté et placé en garde à vue par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), le service de renseignements et de contre-espionnage du ministère de l'Intérieur, selon son avocate. M. Lespoir était depuis quelques jours au cœur d'une polémique après avoir pris publiquement position contre l'entreprise nucléaire Areva, sponsor principal de la Fédération française d'athlétisme.

Il semblerait que la DCRI soupçonne M Lespoir d'agir contre l'industrie nucléaire française pour le compte d'une puissance étrangère.

La Coordination nationale antinucléaire a dénoncé par communiqué cette arrestation qualifiée de "liberticide et arbitraire" et appelle ses militants présents en Région parisienne à se rassembler demain samedi devant le siège de la DCRI situé à Levallois-Perret.

 

Manifestation à Levallois

Levallois-Perret est une charmante commune, pacifiée par les époux Balclaniks qui y règnent sans partage. Autant dire qu'on n'y voit quasiment jamais de manifestation. C'est pourtant bien ce qui se produit ce samedi : des militants antinucléaires et une nuée de journalistes se pressent devant les grilles de la DCRI.

Les manifestants chantent et crient de toutes leurs forces pour être entendus par Lespoir et lui donner ainsi… de l'espoir. Ils ignorent que les locaux de la DCRI sont soigneusement insonorisés afin que les personnes interrogées soient coupées du monde, ce qui augmente les chances d'obtenir des aveux… lorsqu'il y a toutefois quelque chose à avouer !

Sous la pression médiatique, la DCRI publie un communiqué succinct annonçant la prolongation de 24 à 48 heures de la garde à vue d'Etienne Lespoir.

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Politique

Cette détention, médiatisée, amène diverses organisations politiques à prendre position.

Part socialiste : "Le PS demande à ce que toute la lumière soit faite dans l'affaire Lespoir. Il est en particulier indispensable de savoir si cet activiste s'attaque à notre industrie nucléaire seulement par aveuglement idéologique, ou s'il est manipulé par une puissance étrangère. Dans les deux cas, M. Lespoir doit être écarté des Jeux olympiques. Le PS rappelle néanmoins qu'il faut respecter la présomption d'innocence et que, si dans quelques semaines ou quelques mois M. Lespoir est blanchi, il devra alors être autorisé à participer aux Jeux olympiques… de 2016. S'il se qualifie, bien sûr."

Parti communiste : "Le Parti communiste français apporte avant tout son soutien à l'entreprise nucléaire Areva, fleuron de l'industrie nationale, injustement mise en cause par le provocateur Lespoir. Dans un souci humaniste, le PCF demande à ce que M. Lespoir soit seulement condamné, malgré la gravité de ses fautes, à un Travail d'intérêt général dans une centrale nucléaire. C'est alors, au contact des valeureux travailleurs syndiqués, qu'il comprendra la valeur de notre belle industrie nucléaire."

UMP : "L'UMP, prenant de vitesse le Front national, dénonce le comportement antipatriotique du dénommé Lespoir. D'après nos informations, cet individu a déjà tenté de saper l'avenir de la France en aidant des Tsiganes à rester dans notre beau pays. L'UMP attend donc de la Justice des sanctions exemplaires à l'encontre de cet individu qu'il faudrait ensuite expulser s'il n'avait pas la chance -imméritée- d'être français de souche."

NPA : "Le NPA demande la libération immédiate d'Etienne Lespoir. Les accusations d'espionnage portées contre lui relèvent de toute évidence de la machination policière. Plus généralement, le NPA dénonce le sport spectacle et, en particulier, le dévoiement des idéaux originels des Jeux olympiques. La trêve olympique, qui suspendait même les conflits pour laisser place à la pratique sportive fraternelle et désintéressée, est devenue au contraire une véritable guerre sur fond de dopage et d'intérêts financiers. De fait, le NPA soutient le combat d'Etienne Lespoir contre la multinationale capitaliste Areva. "

Europe écologie

"Europe écologie demande la libération immédiate d'Etienne Lespoir, assurément accusé à tort d'espionnage. Ceci dit, tout en renouvelant sa revendication de sortir du nucléaire, Europe écologie rappelle, en vertu de ses accords électoraux avec le PS, qu'un programme de fermeture des centrales nucléaires ne peut être que prudent et progressif.

 

En cette fin de journée, à une semaine du début des Jeux olympiques, la situation d'Etienne Lespoir est critique : de graves accusations sont portées contre lui et ce ne sont pas des communiqués de partis politiques et une manifestation, même très médiatisée, qui peuvent le faire libérer : la DCRI a bien l'intention de garder Lespoir…

 

Le Comité international olympique menace la France

Samedi 21 juillet 2012, six jours avant les Jeux olympiques.

Cette fois-ci, ce n'est plus un rebondissement, c'est un véritable séisme qui se produit et menace d'emporter avec lui tous les espoirs de gloire olympique du sport français : dans la matinée, le Comité international olympique (CIO) menace d'exclure des Jeux olympiques l'ensemble de l'Equipe de France, tous sports confondus, si le pouvoir politique persiste à s'immiscer dans les affaires qui ne regardent que les fédérations sportives !

En effet, les statuts du CIO sont clairs à ce sujet, seuls les Comités olympiques nationaux et les fédérations sportives sont habilités à intervenir dans la gestion des affaires sportives, et spécialement dans la sélection des athlètes. Des sanctions très fortes sont prévues en cas de violation de ces règles de bon sens, et en particulier l'exclusion des Jeux olympiques de tous les sportifs du pays concerné.

Or, par l'intermédiaire du Président Berluskozy, c'est bien le pouvoir politique français qui a obtenu l'exclusion d'Etienne Lespoir de la délégation française pour Londres. Le communiqué du CIO est à ce sujet parfaitement explicite :

 

Comité international olympique - Communique du samedi 21 juillet 2012

Le CIO demande aux autorités françaises de cesser toute intervention concernant la sélection des athlètes pour les jeux olympiques de Londres.

Le Comité international olympique a pris connaissance de l'intervention du Président de la République française, M Berluskozy, qui a demandé, le 14 juillet dernier, l'exclusion d'un sportif de la délégation française pour les Jeux olympiques.

Conformément à ses statuts, le CIO ne peut tolérer la moindre intervention politique dans la sélection des athlètes. Si la situation n'est pas rectifiée dans les 48 heures, c'est-à-dire si l'athlète Etienne Lespoir n'est pas réintégré dans la sélection française, le CIO se verra dans l'obligation d'exclure des Jeux olympiques de Londres l'ensemble de la délégation française.

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Aussitôt, un invraisemblable emballement médiatique se produit. Le journal Le Monde, qui paraît à Paris en début d'après-midi, bouleverse en catastrophe sa Une.

 

Le Monde - Samedi 21 juillet 2012 - Edition datée du dimanche 22 juillet 2012

Jeux olympiques de Londres : la France menacée d'exclusion

C'est un véritable désastre qui menace de s'abattre sur les sportifs français et, osons le dire, sur la France toute entière : le Comité international olympique (CIO), constatant que le pouvoir politique français s'est immiscé dans la sélection des sportifs, menace d'exclure des Jeux olympiques de Londres l'ensemble de la délégation française.

Ce serait bien entendu une catastrophe sportive : adieu aux médailles promises à nos nageurs, athlètes, judokas, escrimeurs, etc. Mais ce serait aussi une terrible déconvenue pour l'ensemble du pays : l'effet sur le moral des Français serait assurément des plus néfastes.

On peut dès lors prévoir une productivité en chute libre, d'innombrables arrêts de travail, avec de graves conséquences pour l'économie hexagonale : baisse de la croissance (pourtant déjà annoncée proche de zéro : ce serait alors la décroissance), chute des recettes fiscales, déficits publics, sans oublier l'explosion des dépenses de santé et donc du déficit des comptes sociaux.

Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce que le Président de la République a demandé implicitement mais indubitablement l'exclusion de l'athlète Etienne Lespoir de la sélection pour les Jeux olympiques. Le Comité international olympique a immédiatement réagi, brandissant ses statuts qui interdisent toute ingérence politique dans les affaires sportives.

Le plus étonnant dans cette affaire est que le fameux Lespoir est actuellement - à l'heure où nous écrivons ces lignes - en garde à vue, soupçonné par le contre-espionnage français d'intelligence avec une puissance étrangère. Nul ne sait si cet aspect du dossier est visé par le CIO qui demande la réintégration immédiate d'Etienne Lespoir dans la délégation française pour les Jeux de Londres.

Selon nos informations, l'Elysée serait dans une situation embarrassante : demander la réintégration de Lespoir dans l'équipe olympique serait certes une humiliation pour le Président, mais cette option semble désormais inévitable pour éviter que les sportifs français ne soient privés de Jeux. Par contre, est-il possible de réinscrire Etienne Lespoir dans la liste olympique… tout en le maintenant en prison ? Le CIO accepterait-il une situation aussi ubuesque ?

Il faut noter que, jusqu'alors, le CIO réservait sa sévérité pour les pays pauvres, fermant opportunément les yeux lorsque de grandes puissances étaient concernées par des ingérences politiques. Alors, pourquoi cette lourde menace à l'encontre de la France ?

On devine sans peine que le CIO fait payer à M. Berluskozy ses déclarations arrogantes, lors de la récente campagne pour l'élection présidentielle, à propos de l'attribution à Londres des Jeux olympiques "qui auraient dû revenir à la France si le CIO avait fait preuve d'un peu d'intelligence".

C'est aujourd'hui au Président de la République de faire au plus vite preuve "d'un peu d'intelligence", pour sortir de la situation cauchemardesque dans laquelle la France se trouve.

 

C'est l'effervescence générale dans tous les médias français. Télés, radios et journaux dépêchent des reporters pour tenter d'obtenir une déclaration de l'Elysée, pour recueillir les avis des dirigeants des diverses fédérations sportives concernées, ainsi que des sportifs les plus connus.

Par ailleurs, les partis politiques qui avaient pris position pour l'exclusion d'Etienne Lespoir sont obligés en catastrophe de communiquer à nouveau du fait de cette évolution totalement imprévue de la situation :

 

Part socialiste : "Le PS déplore les déclarations irresponsables du Président de le République lors de son interview du 14 juillet. Alors qu'il était tout à fait possible d'exclure discrètement M. Lespoir de la délégation française pour les Jeux olympiques, M. Berluskozy a une nouvelle fois jugé bon de fanfaronner, mettant en danger la participation aux JO des sportifs français.

Aujourd'hui, il est clair que, pour calmer la colère du Comité international olympique, il faut réintégrer M. Lespoir dans la délégation française pour les Jeux, et trouver au plus vite une solution pour qu'il puisse concourir… sans pour autant être dédouané des graves fautes qu'il a commises contre l'industrie nucléaire.

Le PS demande donc à ce que soit immédiatement étudiée la possibilité de permettre à Etienne Lespoir de courir à Londres… en portant un bracelet électronique : cette solution permettrait à la police de ne pas perdre la trace de ce provocateur, même s'il se met subitement à courir vite.

Enfin, le PS appelle les électeurs à voter pour son ou sa candidate lors des élections présidentielles de 2017, pour avoir l'assurance d'une bonne participation française aux Jeux olympiques de 2020"

 

Parti communiste : "Le Parti communiste français apporte à nouveau son soutien à l'entreprise nucléaire Areva, fleuron de l'industrie nationale. Les conséquences de l'affaire Lespoir risquent d'être terribles tant pour Areva que pour les valeureux sportifs tricolores.

Le PCF appelle donc à ce que M Lespoir soit libéré et réinscrit dans la délégation française pour les Jeux. Toutefois, M. Lespoir doit cesser ses provocations, faire son autocritique, et renoncer de lui-même aux Jeux olympiques.

Ainsi, l'exigence du CIO sera satisfaite sans pour autant que l'industrie nucléaire française ne soit mise en accusation. Nos athlètes pourront alors courir en arborant fièrement sur leurs maillots le nom d'Areva. Cela pourrait d'ailleurs convaincre enfin des pays étrangers d'acheter les belles centrales nucléaires françaises."

 

UMP : "L'UMP dénonce les manœuvres indignes d'Etienne Lespoir. Il ne serait pas étonnant que ce provocateur, vraisemblablement à la solde de puissances étrangères, ait des ascendances tsiganes.

Mais, dans l'immédiat, l'UMP fait confiance à notre grand Président Nicolas Berluskozy et à sa merveilleuse compagne Raya Made pour apaiser la colère du Comité international olympique et permettre aux sportifs français de rayonner lors des Jeux olympiques."

 

Rétropédalage de Berluskozy

Ce ne sont bien sûr pas les médias ou les partis qui peuvent infléchir la position du Président Berluskozy, lequel a pris l'habitude de n'en faire qu'à son idée, et ce d'autant plus qu'il vient d'être réélu.

Mais, cette fois, il est bien obligé de se soumettre car il n'a aucun pouvoir sur le Comité international olympique. Ce dernier, comme l'a signalé le quotidien Le Monde, se venge des récentes déclarations du Président français, lequel serait considéré comme l'unique responsable si les sportifs français étaient exclus des Jeux olympiques.

Par ailleurs, la présidence française ne peut pas savoir si le Comité international olympique accepterait que Lespoir soit administrativement réinscrit dans la délégation française, tout en étant maintenu en prison à la fin de sa garde à vue.

L'Elysée parvient à contacter les services de la présidence du CIO lesquels, tout en exigeant au plus vite une décision française, expliquent que le président du CIO est injoignable avant lundi car prenant exceptionnellement un week-end de repos.

Le Président français comprend alors que le CIO, pour lui faire payer ses déclarations, joue avec ses nerfs en le laissant dans l'incertitude. La décision est donc prise de réintégrer Lespoir dans l'équipe olympique… et de le faire libérer au plus vite. Le soir même, l'Elysée publie donc un communiqué pour apaiser le Comité International Olympique. Un bouc émissaire bien pratique est trouvé : la Fédération française d'athlétisme.

 

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République Française - Présidence de la République
Communiqué du samedi 21 juillet 2012

La France respecte scrupuleusement les statuts du Comité international olympique.

Répondant à l'inquiétude du Comité international olympique, la Présidence de la République française affirme qu'aucune ingérence de quelque ordre que ce soit n'a eu lieu de sa part concernant la sélection des sportifs français pour les Jeux olympiques de Londres.

A propos de l'affaire évoquée par le CIO, la Présidence invite chacun à se reporter à la vidéo de l'intervention du 14 juillet du Président de la République : ce dernier n'a à aucun moment évoqué le nom de quelque athlète que ce soit, et n'a donc pu demander aucune exclusion.

La Présidence demande à la Fédération française d'athlétisme de réinscrire Etienne Lespoir dans sa délégation et de s'excuser auprès du CIO pour avoir donné à penser que le pouvoir politique français pouvait s'immiscer dans des affaires qui ne regardent que le monde sportif.

Par ailleurs, bien que cela n'ait rien à voir avec la présente affaire, l'Elysée signale avoir été informé par le Procureur de la République que les soupçons pesant sur M. Lespoir ont été écartés grâce aux investigations efficaces du contre-espionnage français. De fait, Etienne Lespoir va être immédiatement libéré et pourra naturellement participer aux Jeux olympiques.

Le Président Nicolas Berluskozy et sa compagne Raya Made-Berluskozy, ministre des Sports, souhaitent que les Jeux olympiques de Londres soient une grande réussite et que les sportifs français y rencontrent le succès.

 

Fin de partie à la DCRI

Au même moment, Etienne Lespoir est pour la énième fois extrait de sa cellule et s'attend à un nouvel interrogatoire.

"-Alors, madame Nolwenn, vous voulez encore que je décline mon nom, mon prénom, ma date et mon lieu de naissance, et que j'avoue être un espion ? Et les 48 heures de garde à vue approchant de leur fin, je suppose que je vais être présenté au Procureur et incarcéré…

- Non non, hélas, nous avons quelques documents administratifs à vous faire signer… pour votre libération

- Ah bon. Comme ça subitement ? Et les Chinois, l'espionnage, et tout ça ?

- Nous vous soupçonnons toujours mais bon, la politique s'est mêlée de l'affaire… Nous devons bien obéir aux ordres !

- Parce qu'il y a des gens au dessus de vous qui vous ordonnent de me libérer ? Je ne savais pas que le pouvoir politique était infiltré par les antinucléaires…

- Ce n'est pas si simple. En fait, la Présidence de la République est obligée de vous faire libérer…

- Obligée ? Bigre, mais obligée par qui ? Obama ? Les Martiens ?

- Vous verrez bien en sortant d'ici. Moi, ça m'écoeure de vous libérer, alors je ne vais pas vous raconter le pourquoi du comment.

- Bon… vous me ramenez à Bordeaux ?

- Ben voyons : on vous libère, débrouillez-vous…

 

Je m'imagine déjà déambulant dans les rues de Levallois-Perret, à la recherche d'une ligne de métro, mais c'est une nuée de journalistes qui se jette sur moi dès la sortie de la DCRI. Je passe un bon moment à répondre aux journalistes… après qu'ils m'aient informé des derniers rebondissements.

Je suis ensuite pris en charge par des militants antinucléaires qui me nourrissent et me logent : je dors douze heures d'affilée ! Je reprendrai tranquillement un train pour Bordeaux le lendemain…

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Salamalec s'exécute

Dimanche 22 juillet 2012, cinq jours avant les Jeux olympiques.

Une nouvelle fois, les instances dirigeantes de la Fédération française d'athlétisme sont réunies en toute urgence un dimanche matin, et cette fois-ci dès 6 heures du matin : l'Elysée a exigé que tout soit réglé avant 8 heures !

"Salamalec : Bon, vous avez vu ce qui s'est passé hier ? Pas besoin de vous faire un dessin, nous réintégrons ce crétin de Lespoir dans la sélection pour Londres, nous faxons immédiatement l'information au CIO, et nous publions un communiqué pour prendre toute la faute sur nous. Notre service communication est d'ores et déjà en train de rédiger un texte qui dit en substance que nous avons mal interprété les paroles présidentielles et pris de fait des initiatives… "inappropriées", comme on dit de nos jours.

Pignon : c'est une véritable humiliation !

Salamalec : bah, au point où nous en sommes. Je sens que je suis en train de devenir pour l'athlétisme ce qu'a été ce cher Escalité pour le foot lors de la Coupe du monde. Mais, entre nous, même si l'Elysée nous contraint à assumer la faute, je crois que tout le monde va comprendre que c'est bien Berluskozy qui est obligé de se déjuger. Au fait, Pignon, vous appelez Lespoir pour lui dire de préparer ses valises : il y va finalement, à ses sacrés Jeux olympiques…"

 

Quelques minutes plus tard, le communiqué de la Fédération arrive dans les rédactions :

 

Fédération française d'athlétisme
Communiqué du Dimanche 22 juillet 2012

Sélection olympique : la Fédération française d'athlétisme reconnaît son erreur
- Etienne Lespoir est réintégré dans la sélection pour les Jeux olympiques

- La Fédération présente ses excuses au Président de la République

Le comité directeur de la Fédération française d'athlétisme (FFA) reconnaît avoir mal interprété les propos du Président de la République lors de son intervention télévisée du 14 juillet dernier. Croyant bien faire, la Fédération avait exclu M Etienne Lespoir de la sélection pour les Jeux olympiques de Londres. Cette sanction, qui n'a en réalité jamais été demandée par le Président, est bien évidement annulée. La FFA informe immédiatement le Comité international olympique que la situation est rectifiée. La FFA présente toutes ses excuses au Président de la République Nicolas Berluskozy et à son épouse Raya Made-Berluskozy, ministre des Sports et du Rayonnement de la France.

Par ailleurs, la FFA se réjouit d'apprendre que les soupçons pesant sur Etienne Lespoir ont été levés et que notre athlète, que nous avons soutenu de toutes nos forces, est libre et va pouvoir se rendre au plus vite à Londres pour participer aux Jeux olympiques.

 

Eurostar

Lundi 23 juillet 2012, quatre jours avant les Jeux olympiques.

Dans la matinée, le CIO prend acte de la fin de l'ingérence politique de l'Elysée et annule la menace de suspension de la sélection française. Assailli de demandes d'interviews, j'organise une conférence de presse pour répondre à tous les médias d'un seul coup, et enfoncer le clou. Mais, auparavant, j'appelle mon pote antinucléaire :

- Patrick, c'est Etienne. Je t'informe que je tiens une conférence de presse dès ce mardi. Tu devrais venir, on va s'amuser.

- Ha mais c'est génial ! Je suppose que tu es harcelé par les médias

- Absolument, mon téléphone n'arrête pas de sonner. Je préfère leur parler à tous d'un seul coup, sinon il me faudrait un mois pour répondre à chacun !

- Super. Et tu fais ça où ?

- A Paris, juste avant de prendre l'Eurostar pour Londres. Ça se passera à la mairie du 2ème : le maire de l'arrondissement est un écologiste, un type très bien. Il m'a d'ailleurs dit qu'il avait déjà prêté des salles municipales pour des conférences de presse ou des débats publics sur la question du nucléaire, et même à propos de mines d'uranium.

- Oui, c'est exact, ça nous a été bien utile à plusieurs reprises. Je suppose que tu ne vas pas dire du bien d'Areva. C'est génial que tu te lâches comme ça…

- Tu sais, cette affaire me fait penser à un film des années 70, avec Patrick Dewaere : ça s'appelait "Le coup de tête". Il repasse d'ailleurs de temps en temps à la télévision.

- Oui, je vois très bien. Le héros marque deux buts qui permettent à son club de gagner contre une grande équipe lors du match aller…

- Exactement. Tout le monde l'admire et il peut tout se permettre… pendant quinze jours : il sait très bien, lui, que les choses rentreront dans l'ordre lors du match retour, auquel il aura d'ailleurs l'intelligence de ne pas se rendre et qui sera perdu 6-0 !

- Je vois où tu veux en venir : jusqu'aux Jeux olympiques, tu peux dire ce que tu veux….

- Voilà. Après avoir été réintégré dans la sélection française sous la pression du Comité international olympique, je suis tranquille. Salamalec est KO debout, et Berluskozy va bien se garder de se mêler à nouveau d'une affaire dans laquelle il a été ridiculisé, et même humilié par le CIO…

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Epicier survolté

Mon téléphone sonne pour la centième fois. Cette fois, ce n'est pas un journaliste mais mon épicier préféré :

"- Ah monsieur Lespoir, c'est merveilleux ! Tout s'arrange ! Quand je pense que c'est carrément l'ONU qui a exigé votre réintégration…

- Non non, pas l'ONU, le CIO : Comité international olympique. Heureusement que les membres de cette instance avaient quelques comptes à régler avec notre cher Berluskozy parce que, sans ça, je crois bien qu'ils ne se seraient jamais occupé du sort d'un modeste athlète…

- Ah, ne recommencez pas avec votre modestie excessive ! Moi, je suis sûr que vous allez vous qualifier pour la finale. Peut-être pas pour la gagner, faut pas exagérer, mais quand même, une finale olympique…

- Vous savez, si je passe le premier tour, ce serait déjà incroyable de participer à la demi-finale. Honnêtement, il vaut mieux oublier la finale, c'est impossible…

- Bon, on verra, mais en tout cas tout est prêt au village pour votre course samedi. L'écran géant est sur la place centrale, le maire est aux anges. Et figurez vous que le directeur de l'Agence du Pôle emploi est venu plusieurs fois pour préparer l'évènement…

- Tiens, c'est curieux ça…

- Mais non, c'est évident : le Pôle emploi est fermé le samedi, alors le directeur s'est arrangé avec notre maire pour organiser une opération spéciale : les employés et usagers du Pôle sont invités au village pour voir vos courses…

- Hé bien, j'ai intérêt à galoper comme un pur-sang si je ne veux pas que tout le monde reparte déprimé…

- Au fait, des amis à vous sont venus aussi. Des…

- Des Gitans ?

- Oui, voilà. Eh bien figurez-vous, ils sont vraiment très sympathiques !

- C'est ce que je vous ai toujours dit…

- Oui mais encore fallait-il que je puisse le constater. Ils m'ont d'ailleurs acheté des victuailles, et... ils les ont payées !

- Oui, des gens normaux, quoi !

- Voilà, exactement ! Et ils viendront samedi pour la course…

 

Conférence de presse

Mardi 24 juillet 2012, trois jours avant les Jeux olympiques.

Des dizaines de journalistes se pressent dans les locaux de la mairie du 2ème arrondissement. Tous veulent recueillir les déclarations de celui qui a défié Areva, impliqué des stars de divers sports, suscité l'ire de l'Elysée puis l'intervention du CIO. Quelle affaire !

La conférence est retransmise en direct par plusieurs chaînes d'information en continu. Je prends la parole.

- Mesdames et messieurs, merci d'être si nombreux pour cette conférence de presse. Je ne suis pas un grand orateur. Aussi, au lieu de vous infliger une sorte de discours introductif, je vous propose de me poser tout de suite des questions, ce sera plus facile pour moi de répondre point par point…

- Monsieur Lespoir, on se souvient que votre affaire a commencé lorsque vous avez refusé de porter sur vous le nom du sponsor de l'athlétisme, l'entreprise du nucléaire Areva. Qu'allez-vous faire lors des Jeux olympiques ?

- C'est bien simple, je vais recouvrir avec de l'adhésif la marque Areva sur tout le matériel qui m'a été remis par la fédération : tee-shirt, survêtement, sac, etc. Et j'invite tous les autres athlètes français à en faire autant.

- Croyez-vous qu'ils vous suivront ? Jusqu'à présent, certains se sont engagés pour que vous ne soyez pas sanctionné, mais ils ne sont pas allés jusqu'à attaquer leurs sponsors.

- Chacun va pouvoir masquer sans crainte les inscriptions Areva. En effet, j'ai un véritable scoop à révéler : Areva s'apprête à rompre son partenariat avec la Fédération d'athlétisme. D'ailleurs, celle-ci n'y verra aucun inconvénient, car la base est furieuse. Partout en France, les comités locaux sont assaillis de protestations. Les gens semblent avoir pris conscience du caractère obscène de ce parrainage de l'athlétisme par une entreprise coupable de graves contaminations de l'environnement.

- N'avez-vous pas peur d'être à nouveau sanctionné ?

- Non, je n'ai aucune crainte. Je ne crois pas que la fédération prendra le risque d'être encore ridiculisée. Et je ne crois pas non plus que M. Berluskozy s'amusera à défier encore le CIO : il a été fermement remis à sa place. C'est bien fait pour lui : c'est son amour inconsidéré pour l'industrie nucléaire qui l'a fait déraper…

- D'après-vous, que va-t-il se passer concernant les autres sports ? On a vu que les nageurs, kayakistes et canoéistes étaient sponsorisés par EDF, autre géant du nucléaire…

- Eh bien, je leur suggère de faire preuve d'esprit critique. Ils ne devraient pas continuer à donner à EDF une image écologique alors que les centrales nucléaires polluent gravement les rivières et les océans. Et je ne parle pas que des produits radioactifs : divers produits chimiques sont aussi rejetés en grande quantité, zinc, phosphore, sulfates, sodium, chlorures, morpholine, cuivre, etc.

- Et sur le plan sportif, quelles sont vos ambitions pour Londres ?

- Chacun sait que je ne suis pas une star de l'athlétisme. Passer le premier tour et participer aux demi-finales du 800 mètres serait déjà un exploit, voire un miracle. Mais de toute façon, j'ai d'ores et déjà réussi mes Jeux olympiques… en obtenant la fin du partenariat entre l'athlétisme et Areva…

 

Chance olympique

Samedi 28 juillet 2012 - Second jour des Jeux olympiques de Londres

La radio France-info raconte :

"- Athlétisme, 800 mètres hommes, éliminatoires. Le désormais célèbre Etienne Lespoir a atteint son objectif en se qualifiant il y a quelques instants pour les demi-finales du 800 mètres. Non seulement il s'est révélé être en pleine forme, mais il a aussi joué de chance en tombant dans la série la moins relevée, surtout avec le forfait de dernière minute de deux favoris, l'un étant blessé et l'autre malade. Il faut parfois de la chance en sport, et Lespoir a su saisir la sienne…

On notait dans les tribunes du stade olympique la présence des footballeurs Nick Olanelka et Patrice Evry, arborant des t-shirts antinucléaires et brandissant des pancartes de soutien à Etienne Lespoir. J'appelle maintenant notre envoyé spécial qui a suivi la course sur la place du village où vit habituellement Etienne Lespoir, quelle est donc l'ambiance là bas ?…

- Eh bien, c'est ici véritablement de la folie, les gens s'embrassent et se congratulent ! On note la présence de salariés et d'usagers de l'agence voisine du Pôle emploi car, loin d'être un sportif professionnel, Etienne Lespoir est actuellement au chômage. Le directeur de l'agence, les larmes aux yeux, vient de me confier que la qualification d'Etienne Lespoir était justement un motif d'espoir pour tous les chômeurs. A ses côté, l'épicier du village débouche des bouteilles pour trinquer avec ses amis de la communauté gitane, eux aussi venus soutenir Etienne Lespoir…"

 

Carambolage épique

Lundi 30 juillet 2012 - Quatrième jour des Jeux olympiques de Londres

Toujours sur France-info :

"Athlétisme, 800 mètres hommes, demi-finale. C'est un véritable miracle qui a permis à Etienne Lespoir de se qualifier, contre toute attente, pour la finale olympique du 800 mètres. Alors que le Français était distancé par la majorité de ses concurrents, une gigantesque chute a entraîné au sol pas moins de sept coureurs.

On sait que le demi-fond, et particulièrement le 800 mètres, donne parfois lieu à de sévères bousculades, mais c'est un véritable carambolage généralisé qui s'est produit sur la piste olympique de Londres. Lespoir n'a eu qu'à contourner ses adversaires étalés sur la piste pour finir dans les quatre premiers et décrocher son billet pour la finale.

Cette aventure incroyable n'est pas sans rappeler celle du patineur australien Steven Bradbury qui, lors des Jeux olympiques d'hiver de Salt Lake City en 2002, avait lui aussi bénéficié des chutes de ses adversaires lors des courses de vitesse, tant en demi-finale qu'en finale : c'est carrément le titre olympique qui avait ainsi été décroché par le chanceux de service.

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Le même scénario semble improbable pour Lespoir à moins que, durant la finale, ne se produise un tremblement de terre ou que Londres ne soit submergée par un tsunami. Mais, même s'il termine dernier de la finale, la bête noire d'Areva aura de toute façon largement réussi ses Jeux olympiques…

Je me tourne maintenant vers Bertrand Salamalec, président de la Fédération française d'athlétisme, je suppose que la qualification d'Etienne Lespoir pour la finale olympique doit vous réjouir ?

- Absolument, nous avons toujours pensé qu'Etienne allait faire de grandes choses à Londres, et sa réussite est aussi à mettre au crédit de la politique dynamique de notre fédération qui fait le nécessaire pour faire émerger les talents et les mettre dans les meilleures conditions pour réussir.

- Il n'y a donc plus de problème suite à la fameuse affaire Areva ?

- Non non, tout ça est oublié, d'autant que nous allons signer dans quelques jours un partenariat avec une grande entreprise d'énergie éolienne. Depuis Fukushima, chacun a compris qu'il fallait en finir avec le nucléaire. Le vent, par contre, c'est la nature, la joie de faire du sport dans un environnement sain… Vive le vent, vive Lespoir !"

 

Final(e) olympique

Mercredi 1er août 2012 - Sixième jour des Jeux olympiques de Londres

Athlétisme, 800 mètres hommes, finale.

Entouré de véritables cracks du 800 mètres, Etienne Lespoir se prépare à participer à la première et, de toute évidence, à la dernière finale olympique de sa vie. Le coup de pistolet du starter retentit, les athlètes s'élancent, le public se lève, et une clameur monte dans le ciel de Londres…

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C'était 

Uranium olympique

(Fragments d'une épopée athlétique post-Fukushima)


Un web-roman de Stéphane Lhomme

Publié en ligne le 25 juillet 2012

 

Offert par Stéphane Lhomme
et l'Observatoire du nucléaire